« J’ai 27 ans ahurissant, Get 27 sans glaçons dedans » chantaient les BB Brunes. On devient vieux à 27 ans, sauf à Berlin, en présence de ces inconnus qui nous tirent dans le bout de la nuit pour un voyage sensoriel et psychédélique inoubliable. Dans ce texte puissant et poétique, qui dit tout de la nostalgie douce-amère du temps qui passe, Ezra Ferrell nous rappelle qu’il existe toujours des motifs d’émerveillement. 

27 cris. Voilà mon âge. La tempétueuse jeunesse s’en va s’effondrant. Il n’y a plus de rythme. Je ne sais plus le rythme. C’est peut-être le drame fondamental. Le rythme est ce qui maintient les choses entre elles. Ça permet l’exaltation et la respiration. Je ne respire plus, je me délite. Un jour j’ai cherché la profondeur de la vie dans une note de musique. Un piano mal accordé dans un appartement qu’on avait loué avec quelques amis. J’étais seul dans la pièce. J’ai tapé une note avec le bout de mon index. Les trois premières secondes de vibrations remplissaient tout l’espace, il n’y avait plus de vide, il n’y avait qu’un plein sonore dans lequel toutes choses étaient comme engluées. Les secondes d’après, ce fut une dilution lente et progressive, le vide qui reprend le dessus, le silence qui se réempare de chaque morceau d’espace pour le diminuer, l’anesthésier, le refroidir jusqu’à l’entropie maximale. Le zéro absolu. 

Y avait-il une quelconque chance pour que ma vie ne soit pas le simple analogue à cette note de musique ? 

La musique me fait vibrer, comme la jouissance qui décroche de notre chair le trouble et l’épilepsie. J’aime danser. J’aime que la musique me danse dans les oreilles, me ravage, me permette l’oubli. Je danse pour vivre. Pour sentir cet afflux d’énergie qui irradie le corps d’une aura chaud et sensuel, quand je sens que tout l’univers s’ouvre devant moi. C’est simple, je dirais que danser m’est toujours apparu comme une tentative pour me défenestrer hors de ma peau. Comme si cette peau était un isolant qui empêchait le choc électrique de soi avec le son, de soi avec le rythme et le monde. Parfois j’ai l’impression qu’une sorte de créateur (ou damnateur, en fonction) a réglé plusieurs de mes capteurs sensoriels à leur degré maximal. J’ai l’exaltation facile. Et la douleur aussi. 

Ceux qui méprisent la sensibilité, je leur arracherais bien les ongles un par un, pour constater dans leur œil de supplicié la victoire de la douleur. Je pense que la véritable expérience du corps est toujours l’expérience de sa défaillance. Dans nos vies, le corps ne compte jamais jusqu’à ce qu’il exprime, de la plus vive douleur qui soit, sa limite. Sinon, j’aurais continué à faire défiler mes doigts dans les arcanes flamboyantes des bougies. J’ai besoin de lumière. Parfois je rentre dans les églises, seulement pour m’arrêter et regarder un bûcher de cierges dont la danse lascive lèche le cul de la Providence.

Tout ça pour dire que ce soir, comme déjà pas mal de soir de ma vie, je suis en club. À Berlin. Dans le quartier de Friedrichshain. Je m’y rends quand je n’arrive plus à respirer. Certains courent, d’autres font de l’échangisme. À chacun sa technique. 

Berlin possède tous les types de soirées. Autremen...