Tout l’été, nous confions nos pages à un écrivain. Une carte blanche comme un journal de bord, une échappée littéraire. En juillet, c’est Nagui Zinet qui poursuit sa route. Chaque mercredi, un texte à vif, entre douleur et dérision. Cette semaine, l’auteur nous raconte ses (més)aventures chez les Narcotiques Anonymes. Un texte drôle et touchant.
JUSTE POUR AUJOURD’HUI mes pensées se concentreront sur mon rétablissement; je vivrai et profiterai de la vie sans consommer. JUSTE POUR AUJOURD’HUI j’aurai foi en quelqu’un de NA qui croit en moi et veut m’aider à me rétablir. JUSTE POUR AUJOURD’HUI, mes pensées se concentreront sur mon rétablissement ; je vivrai et profiterai de la vie sans consommer. JUSTE POUR AUJOURD’HUI, j’aurai foi en quelqu’un de NA qui croit en moi et veut m’aider à me rétablir. JUSTE POUR AUJOURD’HUI, j’aurai un programme et j’essaierai de le suivre de mon mieux. JUSTE POUR AUJOURD’HUI, grâce à NA, j’essaierai d’envisager ma vie sous un jour meilleur. JUSTE POUR AUJOURD’HUI, je serai sans crainte, mes pensées se concentreront sur mes nouveaux amis, des gens qui ne consomment plus et qui ont trouvé un nouveau mode de vie. Aussi longtemps que je suivrai cette voie, je n’aurai rien à craindre.
C’est parti pour l’ennui intersidéral, l’un des Narcotiques Anonymes entame la prière stoïcienne qui débute chaque séance. Je suis arrivé ici un peu par hasard. Moi, je suis alcoolique et accro aux benzodiazépines ; je ne suis pas l’un de ces abrutis qui se troue les veines ou sniffe trois grammes de coke dans des soirées palmadesques. Mais ici, je me sens sain. C’est ma troisième réunion, c’est les vacances, il fait beau et ils m’ont offert un café – certes soluble mais le geste est là. Si j’avais un peu de thune, j’irais m’acheter un kébab après la réunion. Voilà ce que je me dis alors qu’un type nous raconte le jour où il a appris qu’il était séropositif. Si j’avais un peu de thune, j’aurais pris sauce algérienne et un Coca à la cerise, continué-je à penser, alors que chacun le remercie pour son témoignage. Un autre se met à chialer parce que depuis qu’il est sobre, trois ans, eh bien sa vie a changé, il n’est plus le même. Entre les lignes, on sent qu’il se fait sacrément chier tout de même ; d’ailleurs il s’est tourné vers Dieu. Si ce n’est pas la preuve ultime… Non, je ne prendrais pas de frites, elles sont toujours dégueulasses, juste la galette kébab et le Coca cerise. Une prof raconte qu’elle lutte pour ne pas replonger. Elle vit un enfer dans son collège de banlieue. Chaque jour, explique-t-elle, la peur dans les yeux, il y a un prof qui se fait menacer, un élève qui sort un couteau, ce genre de trucs. En cas de crise, pensé-je, oubliant un instant mon kébab chimérique, elle pourrait sûrement trouver sa dose sur son lieu de travail. Merci Corinne ! et tout le monde applaudit. Ce cirque dure une heure à peu près puis nous sommes libérés après qu’on a fait une standing ovation à un type qui a cessé de sniffer de la coke sur le cul de son chien depuis quatre jours. La médiatrice me demande si j’ai quelque chose à partager. Rien de tel, je réponds. Je m’enfuis rapidos pour éviter les hugs finaux – j’aime les USA mais uniquement dans les livres. Puis, j’ai mon rendez-vous à la mairie.
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Je suis au service de l’État Civil. Je n’ai aucun papier avec moi mais je suis à l’heure. La dame devant moi, aussi avenante qu’une gerbe de clodo, me demande d’aller faire les photos dans le hall de la mairie où se trouve un photomaton. Celles que j’ai amenées ne sont pas conformes. Mes oreilles ne sont pas dégagées et je ne ressemble plus à l’homme que j’étais. Je prends un air contrit et je dis : pardon d’avoir été un jour en bonne santé, je donnerai beaucoup pour recouvrer ma chevelure corbeau de sauvageon. Excusez-moi, elle répond, mais ce sont les oreilles qui posent problèmes. Elle fait moins la maline, c’est visible : je lui ai rivé son clou. D’u...