Feydeau, le génie du vaudeville, est à l’honneur au théâtre de l’Odéon jusqu’au 12 février 2017 dans Hôtel Feydeau, une mise en scène de Georges Lavaudant. Zone Critique revient pour vous sur cette création originale aux couleurs pop.
Georges Lavaudant, acteur et metteur en scène, ex-directeur de l’Odéon, est un connaisseur du vaudeville. En 1993, il monte Un Chapeau de paille d’Italie de Labiche au TNP et en 2001, Un Fil à la patte de Feydeau à l’Odéon. Dans sa nouvelle création, Hôtel Feydeau, il mêle des extraits des pièces du dramaturge éponyme (On purge bébé !, Feu la mère de madame, Mais n’te promène donc pas toute nue !, Léonie est en avance) à divers autres fragments, dont le début d’une comédie inachevée (Cents millions qui tombent). C’est enlevé, joyeux, vertigineux. Un grand hommage à cette dramaturgie si particulière.
En effet, l’exercice est d’autant plus difficile que le théâtre de Feydeau implique une mécanique rigoureuse. Par son rythme endiablé, par la précision de la langue employée. Tout est calculé, paramétré à la seconde près. Sinon, ça ne fonctionne pas. Dans Hôtel Feydeau, Georges Lavaudant réussit l’enchâssement des différentes scènes en préservant le sens de chaque pièce. Entre chaque coupe, il recourt à une astuce qui paraît tellement évidente qu’on en oublie l’artifice : l’intermède musical. Les pas de danse rapides des comédiens, la musique rappelant le charleston des années vingt traduisent cette valse folle qu’est l’œuvre de Feydeau.
Derrière le comique, la quête de pouvoir en huis-clos
Outre les rouages complexes auxquels obéissent la mise en scène, les pièces choisies témoignent d’une thématique commune : la quête de pouvoir. « Le pouvoir sur l’autre. Et pour les hommes, le pouvoir tout court, le pouvoir politique », explique Georges Lavaudant.
Dans Un Fil à la patte ou Le Dindon, c’est l’amant qu’on trouve souvent dans le placard et les couples qui se déchirent autour de la tromperie. Au contraire, ici, les affrontements se déclenchent sur d’autres prétextes : la femme enceinte qui veut voir son mari mettre un pot de chambre sur sa tête, le bébé insolent qui refuse de se purger… Les situations frôlent plus la scatologie que l’adultère.
La scénographie de Jean-Pierre Vergier dynamise le mobilier d’époque avec des couleurs acidulées.
Bref, pour en revenir au pouvoir, dans cette pièce tout le monde s’affronte. Homme contre femme, enfant contre parent, domestiques contre maîtres. C’est à qui saura le mieux défendre sa place et son besoin d’exister aux yeux du monde. Tandis que les hommes réclament une reconnaissance sociale, leurs épouses les ridiculisent. Elles défendent l’unique terrain qu’on leur a laissées : le domicile conjugal où elles sont confinées. Car, derrière le comique, c’est bien sûr la critique acerbe de la bourgeoisie, mais aussi l’étrange sentiment d’étouffer dans ses espaces toujours fermés. Salons, chambres à coucher, bureaux, cuisines, paliers : Feydeau expérimente le huis-clos sans aucune échappatoire.
Une mise en scène acidulée
La scénographie de Jean-Pierre Vergier dynamise le mobilier d’époque avec des couleurs acidulées. Les fauteuils aux courbes arrondies, disposés en quinconce sur le plateau, forment un tableau de pastilles multicolores. « Hôtel Feydeau » projeté sur le fond de la scène en néon lumineux ajoute une touche de modernité. Les costumes des personnages ne manquent pas non plus d’éclat : chemise jaune d’or, robe de chambre rose bonbon ou fleurie, plumeaux flashy. Shebam ! Pow ! Blop ! Wizz ! On s’y croirait presque. Et c’est un régal fou.
- Hôtel Feydeau, mise en scène de Georges Lavaudant, avec Gilles Arbona, Astrid Bas, Lou Chauvin, Benoît Hamon, Manuel Le Lièvre, André Marcon, Grace Seri et Tatiana Spivakova, au théâtre de l’Odéon – Théâtre de l’Europe, jusqu’au 12 février 2017.