Les signes et les très nombreux cinéphiles cherchant désespérément un ticket ne trompent pas : Alpha, le dernier film de Julia Ducournau, était très attendu, hier soir, dans les rues et les salles de Cannes. L’affiche et les quelques interviews de la réalisatrice nous laissaient présager, à raison, un film plus intime que le précédent. Mais, loin de Titane et sa Palme d’or, Alpha a du plomb dans l’aile. 

Sans verser dans la comparaison systématique avec Titane, dont le succès critique est également un héritage empoisonné pour son successeur, difficile de ne pas remarquer l’évidence. Les deux films commencent par un flashback, une réminiscence enfantine pour donner le la : un accident de voiture à l’origine de la mutation pour le premier, des traits de stylo transformant un bras saturé de piqûres en constellation pour le second. Excessivité et radicalité volontaires laissent donc place à un doux-amer intentionnellement poétique mais involontairement maniéré. Le message est clair : abandonnant les grosses carrosseries, Julia Ducournau s’aventure dans l’intime. 

Le long-métrage ne déviera pas de cette exigence, entièrement consacré à son trio de personnages. En premier lieu, Alpha, treize ans, une jeune fille – pitbull (dit fièrement sa mère) traversée par un malaise originel qui ne sera jamais vraiment abordé, puis par la crainte d’avoir contracté une étrange maladie à la suite d’un tatouage fait à la va-vite lors d’une soirée. L’aiguille était-elle propre, Alpha est-elle condamnée ? Le sort des deux autres personnages est plus certain : d’un côté, un oncle toxicomane d’une maigreur terrible, le corps ravagé par les piqûres et les tremblements, et de l’autre, une mère courage qui soigne, apaise et secourt sans faiblir ni juger. Dernier rempart contre l’hécatombe familiale, la mère — sans nom mais interprétée par la très convaincante Golshifteh Farahani — est également un des piliers de l’hôpital où elle travaille, déserté par les médecins mais engorgé de mourants. 

Atrophie extérieure

En dehors de la maison, l’épidémie court et le monde, ensablé, rougeoyant, ne ressemble pas tout à fait au nôtre. Des nouvelles négatives nous parviennent par bribes. Nous y prêtons une oreille toute relative. Qu’est-ce que le Vent Rouge ? Pourquoi tout ce sable ? D’où ...