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Fondée en 2016, la jeune maison d’édition Akinomé s’est donnée pour objectif de créer des livres “au contenu irréprochable, beaux et sensibles“, consacrés au voyage dans son sens le plus large (récits et carnets de voyage, cuisine…). Pari réussi avec ce récit de Simon, Amours de Chine, qui narre une idylle amoureuse sur fond de découverte de la Chine.

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Le titre de cet ouvrage a de quoi mettre l’eau à la bouche, surtout pour quelqu’un comme moi qui est un amoureux de la Chine. « Amours » au pluriel : serait-ce un roman érotique ( il y en a de très bons et de très amusants dans la tradition chinoise!) ? La préface nous apprend qu’il s’agit d’un récit de voyage ou plutôt de plusieurs voyages qui s’étalent sur huit ans ( 2001-2009). Ce genre a une longue tradition depuis l’Odyssée. Dans ces récits, c’est toujours un homme seul qui voyage – quand Ulysse est ensorcelé par Calypso, il s’arrête de voyager-, depuis la fin du 19e siècle des femmes voyageuses apparaissent mais ce sont aussi des solitaires. Amour et voyage ont semblé s’exclure. Simon – qui se cache derrière ce simple prénom?- veut faire œuvre novatrice : il va mêler voyage et amour. Après être tombé amoureux d’une Chinoise à Paris, il décide de partir avec elle dans son pays. La découverte de la Chine, c’est en même temps la découverte de sa femme. Quel meilleur moyen de découvrir un pays, une culture ?

En différents épisodes, nous est raconté le destin de cette femme. Elle a passé sa jeunesse dans le nord de la Chine, à la fin de l’ère Mao. Le pays sort à peine des derniers soubresauts de la révolution culturelle qui a ravagé le pays et provoqué une immense famine. Les étudiants mènent une vie spartiate et sont soumis à des règles strictes. L. (elle) aurait voulu faire des études littéraires, finalement elle devient chimiste et travaillera dans ce domaine. Puis un mariage malheureux avec un homme hyper-jaloux et violent et la naissance d’une fille. Elle décide de partir en France, à la suite de quoi le mari lui interdit de revenir et de voir sa fille. Pour L., le voyage en Chine sera surtout la recherche de sa fille, la réparation de ce passé mal passé. A travers les conversations qui nous sont relatées, on perçoit une femme courageuse, volontaire, résiliente, combative. L’amour du narrateur s’exprime ici et là par le désir ( les nuits d’amour dans les petits hôtels), le désir d’enfant ( d’abord annihilé par une fausse-couche puis la naissance d’une petite fille franco-chinoise qui le ravit). Mais finalement l’expression de l’amour dans ce récit qui est globalement une déclaration d’amour à sa femme et à la Chine, reste plutôt discret, sous-jacent. La figure de la femme aimée reste un peu flou dans ce récit, mais cela me rappelle une phrase de la Bible : «  Tu ne te feras pas d’images », l’amour va au-delà de l’image. Par ailleurs, le récit se termine par une belle envolée lyrique adressée à L..

Si la figure de la femme reste sous-jacente, le tempérament, les goûts du narrateur éclatent à chaque ligne. Je l’ai éprouvé d’autant plus, qu’ayant visité en partie les mêmes lieux que lui, j’ai eu les mêmes réactions : stupéfaction et dégoût dans les mégalopoles chinoises et devant la folie consumériste des Chinois d’aujourd’hui, prédilection pour les campagnes, les petites villes à l’ancienne comme Lijiang, les villages et les traditions des minorités nationales dans le Guizhou. Mais Simon a un avantage sur moi, il est artiste. Toujours son matériel de dessin à la main, il croque des personnages et surtout des enfants. Une telle activité est une excellente médiation entre le voyageur et la population : des dialogues s’esquissent, des rencontres s’établissent. Les descriptions des lieux et des gens font partie des meilleures pages du livre. Simon a un regard à la fois précis, intuitif et participatif sur l’environnement qu’il traverse. Ces pages-là sont la véritable déclaration d’amour à la Chine, à une certaine Chine.

Mais Simon a un avantage sur moi, il est artiste. Toujours son matériel de dessin à la main, il croque des personnages et surtout des enfants. Une telle activité est une excellente médiation entre le voyageur et la population : des dialogues s’esquissent, des rencontres s’établissent

Taoïsme

Il n’est pas étonnant que Simon consacre quelques pages à la philosophie taoïste car le taoïsme avec sa prédilection pour la souplesse symbolisée par l’eau, l’harmonie avec les lois de la nature, l’attention au corps, est l’âme de la Chine que nous cachent aujourd’hui l’économie et la politique chinoise. Mais c’est une âme qui vit, non seulement comme vestige dans ce qui reste de la Chine ancienne, dans les vieilles cités, dans les merveilleux jardins, dans les temples, mais aussi au plus profond de chaque chinois et dans des activités quotidiennes comme la pratique du tai qi ou du qi gong.

Cet ouvrage est d’une lecture des plus agréables. Instructive aussi sur l’art de voyager. Connaître un pays, ce n’est pas seulement se fier au guide du routard ou au Guide Bleu. C’est aller à l’aventure, accepter les aléas d’un bus déglingué, d’une route caillouteuse, d’une auberge miteuse, faire l’ascension d’un escalier de mille marches pour enfin découvrir un lieu sublime où presque personne ne va, se mêler à une population qui n’a jamais quitté son village et dont l’accueil est des plus touchant. Je compare avec ce qui m’est arrivé  voulant découvrir un village miao, J’arrivai en un lieu fermé dont l’entrée était payante. Des milliers de touristes chinois débarquaient des bus. Les autochtones vêtus de leurs costumes locaux se livraient à des danses traditionnelles. Un zoo humain ! Simon, lui, a vécu la chaleur d’une vraie rencontre avec la population.

Une énigme. L’ouvrage s’intitule « roman » sur la page de couverture. Pourtant d’emblée, on comprend qu’il s’agit d’un récit de voyage et même d’un journal de voyage puisque les textes sont datés. Son intention a-t-elle été de « romancer » son récit, sans pour autant se départir de son vécu ? Se distancer du récit de voyage traditionnel ? Ou bien de dire : «  Ma vie est un roman ». Je ressens cette ambiguïté comme l’un des charmes du livre.

Cet ouvrage est présenté comme le premier d’une collection qui s’appellera «  Les cœurs vagabonds ». C’est prometteur ! Simon a publié un nombre assez impressionnant d’ouvrages sur le Sahara, le Rajasthan, des carnets de voyage etc … « Amours de Chine » donne envie de lire d’autres ouvrages de cet auteur.

  • Amours de Chine, Simon, Akinomé, 19,80 euros, 240 pages

Michel Pennetier