Dans la grande salle du Rond-Point, Ce que le djazz fait à ma djambe, la nouvelle performance issue de la collaboration artistique entre l’acteur Jacques Gamblin et l’auteur-compositeur Laurent de Wilde, fait généreusement vibrer les tympans sensibles au rythme endiablé et pulsions joyeuses du jazz. En revanche, le texte écrit par l’acteur de Pédale douce et des Enfants du marais, laisse dubitatif.
Contrebasse, batterie, trompette, platines, piano et saxo : six musiciens entourent Jacques Gamblin qui débute en se remémorant ses successifs échecs d’apprentissage musical. Que nenni, ce n’est pas cela qui l’empêchera d’aimer la musique et surtout le jazz. En témoigne d’ailleurs son corps ; acrobatique, il n’a de cesse de gesticuler dans tous les sens. On avait déjà pu assister aux talents de contorsionniste de Jacques Gamblin dans Tout est normal mon cœur scintille joué sur la même scène deux ans auparavant et il n’a rien perdu de sa souplesse…Au moindre accord, il pirouette, il virevolte. Et quand ce n’est pas son corps entier, c’est sa « djambe » qui devient folle, sautillant de manière isolée. Pour cause, la musique n’est que « sensation et désir, désir de bouger ou simplement de s’étendre » dit l’acteur-danseur. Jouissance et plaisir seraient les mots d’ordre du spectacle.
Une insuffisance textuelle comblée par la musique
Ni one-man show, ni tout à fait pièce de théâtre, Ce que le djazz fait à ma djambe est un genre hybride qui peine à trouver sa réelle identité. Et c’est bien cela qui gêne. En dépit de l’indéniable qualité du jeu de Jacques Gamblin, charmeur et drôle, difficile de comprendre le rapport entre le sujet du texte et la musique. En effet, l’acteur ne chante pas. Il « parle-rythme » en même temps que se font écho les chants des instruments.
En dépit de l’indéniable qualité du jeu de Jacques Gamblin, charmeur et drôle, difficile de comprendre le rapport entre le sujet du texte et la musique.
Sa voix porte et glisse admirablement sur les cascades sonores des différentes mélodies. Rien à dire sur la forme mais sur le fond… Une fois le constat réalisé – son absence de talent à user du « bon doigté » –, on se demande pourquoi Jacques Gamblin nous parle tout à coup de cette fille qu’il n’arrive jamais à atteindre. Il dit la confusion quand il l’aborde, ses mots qu’il met à la place d’autres parce que timide et intimidé, il passe pour ce garçon « fleur bleue » que l’amour vient frapper en plein cœur et en pleine tête. Mais dès lors, la confusion s’installe aussi dans l’esprit du spectateur. La fille en question est peut-être surnommée Lady Jazz mais elle n’est pas une métaphore. Le récit virerait-il à l’autobiographie ? Jacques Gamblin multiplie les calembours, jusqu’à l’overdose. On ne sait plus très bien ce qu’il raconte, où il veut nous mener. Parler d’amour et des saisons qui passent paraît bien dérisoire par rapport au contenu harmonique, à ces instruments qui se répondent entre eux et revisitent avec majesté le groove, le swing, le funk. De sujet, la musique passerait du côté de l’accessoire, accompagnatrice des divagations et des rêveries de l’acteur. On reste alors interdit face à son récit consensuel et râbaché, parfois remanié façon slam. On se sent abandonné par l’acteur qui ne penserait plus qu’ à son plaisir de la scène.
Malgré tout, le spectacle n’est pas dénué de joie et d’énergie. Au contraire, ces émotions sont plutôt communicatives. Une pulsion vitale anime Jacques Gamblin et c’est bien celle-là même que ressentent tous les amateurs de jazz à l’écoute des plus grands morceaux. Ce que le djazz fait à ma djambe est donc un hommage réussi à la musique de Duke Ellington, Miles Davis et Ella Fitzgerald.
- Ce que le djazz fait à ma djambe, co-écrit par Jacques Gamblin et Laurent de Wilde, au théâtre du Rond-Point jusqu’au 31 octobre 2015