Alors c’est bien est un hommage que Clémentine Mélois, artiste plasticienne et autrice oulipienne, rend à son père, Bernard Mélois. Le texte prend la forme d’un récit fantasque, dans lequel la mort s’invite de manière insidieuse. Le sujet abordé, celui du deuil et du vide laissé par la disparition d’un proche, est difficile, mais l’autrice parvient à créer une atmosphère propice à la poésie et à l’émerveillement. Le livre se compose de chapitres au format disjoint, alternant entre récit personnel et moments partagés avec son père.
Le style de l’autrice est empreint d’une réelle délicatesse. Tout en retenue, par petites touches à la manière d’une artiste peintre, Clémentine Mélois fait surgir la poésie au détour d’une phrase, en jouant sur des effets de registre et de chute très maîtrisés. On peut le voir dans cette phrase : « dans son obstination totale et sympathique à ne faire que ce qu’il voulait, il me faisait penser à cette vidéo trouvée sur Internet : (…) Je ris encore en la regardant, et je pense à mon père, ce bébé panda au sourire si doux ». Ou encore, dans celle-ci qui laisse une large place à la musique : « papa avait investi les lieux bien avant d’y séjourner. Il y a sept ans, il a installé un carillon de sa fabrication sur le muret qui monte au cimetière. / Aujourd’hui, quand je monte au cimetière pour lui rendre visite, j’actionne la rampe musicale – Dies irae, dies illa – et je me dis qu’il m’entend arriver ». L’écriture semble éparse, disloquée, par petits bouts, comme si le but de l’autrice était d’inviter le lecteur à recomposer un puzzle, à l’image de la relation qu’elle a eue avec son père. C’est peut-être pour cela qu’aucun des chapitres n’est numéroté. Chacun d’eux, par un retour à la ligne, explore un des moments partagés avec lui et ponctue le déroulement du récit.
Bleu comme la glace après l’été
« — On va peindre ton cercueil, Papa. Quelle couleur tu voudrais ? Rouge ? Jaune ? Ou alors doré à la feuille comme un sarcophage !
— Oh non, vous n’allez pas user de la feuille d’or pour ça… Le bleu de la croix ça sera bien. »
L’un des thèmes majeurs du roman est la couleur bleue. Cette couleur, à la fois réconfortante et profonde, rappelle la fonte de la glace ainsi que la profondeur des sentiments que l’autrice voue à son père. Dès les premières pages du récit, elle infuse une teinte mélancolique et devient synonyme de la mémoire :
« Il faut que je raconte cette histoire tant qu’il me reste de la couleur bleue sur les mains. Elle finira par disparaître, et j’ai peur que les souvenirs s’en aillent avec elle, comme...