Le critique d’art et écrivain Jean-Paul Gavard-Perret nous donne aujourd’hui sa vision du travail de la photographe et vidéaste contemporaine Valérie Jouve, qui sera à l’honneur cet été à travers l’exposition Corps en résistance, qui se tiendra au musée du jeu de paume à partir du 2 juin prochain. Retour aujourd’hui donc sur une oeuvre qui, s’éloignant du reportage photographique humaniste, repose avant tout sur l’alchimie entre le corps et l’espace, l’humain et le paysage urbain.
L’essentiel de l’approche de Valérie Jouve tient d’abord à la rencontre d’êtres auxquels l’artiste donne par sa re-présentation une valeur universelle et non réductrice à une histoire et une géographie. Elle ne cherche pas à jouer les reporters « engagés » mais crée – comme elle l’écrit – « un rapport très immédiat et affectif à cette société ». Surgit une volonté poétique d’enrichir et de dépasser l’histoire et le temps afin de mieux permettre de ressentir l’éclatement des possibles. D’où la tension entre une prise en compte du fini de la condition humaine et d’un infini singulier inhérent à chaque culture.
Dans l’alchimie entre les corps et l’espace, l’humain et le paysage l’oeuvre relève tout autant de l’art contemporain et du documentaire que de l’anthropologie et de la sociologie. Donnant à voir des personnages en mouvement et des architectures, Valérie Jouve interroge la présence du corps dans la ville et les manières d’habiter l’espace, le tout sous une chorégraphie sombre parfois, mais néanmoins lumineuse. Témoin des victimes innocentes de l’échec des stratégies politiques, la photographe sort de l’évènementiel et du référentiel. Ses oeuvres revendiquent par delà différences et ostracismes l’exigence de la globalité.
Dans l’alchimie entre les corps et l’espace, l’humain et le paysage l’oeuvre relève tout autant de l’art contemporain et du documentaire que de l’anthropologie et de la sociologie
Valeurs humaines
S’éloignant de la tradition des reportages photographiques humanistes, Valérie Jouve ne rejette pas pour autant les valeurs humaines dans la traversés de diverses frontières : dont une des plus chaudes : celle qui partage Israël en deux « états ». Le ciel bleu reste intact sous le poids des murailles et des ruines.
L’artiste y saisit des portraits de femmes avec lesquelles elle entame un dialogue avant toute opération photographique. Ressurgit une double mémoire : juive d’un côté, palestinienne de l’autre. Les deux gardent « Un Etat » en otage. Plus fantôme que fantôme, masse immobile entre l’art et le documentaire, le politique et le poétique. S’y affirme une résistance passive – mais résistance tout de même – aux normalisations idéologiques, sociales, urbaines en ce qui tient de scènes parfois chorégraphiées à l’exemple de « Blues » (pièce réalisé pour l’exposition) et où l’accrochage devient une composition et une expérience musicale en échos aux attentes encore inconscientes du visiteur.
- Corps en résistance, Valérie Jouve, Musée du Jeu de Paume, Jardin des Tuileries, à partir du 2 juin 2015