Son roman Le diable tout le temps a été élu meilleur livre de l’année 2012 par le magazine LIRE. Vient de paraître chez Libretto le premier recueil de nouvelles de Donald Ray Pollock, Knockemstiff : une vertigineuse plongée dans le quotidien désespérée des habitants d’un petit village de l’Ohio. Analyse.
Il y a des auteurs qui ne sont là que pour rendre compte du réel et, par ce biais, dresser un réquisitoire de l’existence humaine et de l’absurdité de celle-ci. Donald Ray Pollock fait définitivement partie de cette catégorie.
Présentons un peu le personnage. Donald Ray Pollock est né en 1954 et a grandi dans le village de Knockemstiff, dans le sud de l’Ohio. 200 habitants à tout casser. Avant de se mettre à écrire, il a travaillé durant trente-sept ans comme employé dans une fabrique de papier. Autant dire qu’à la différence d’un Flaubert où d’un Rimbaud, l’écriture ne s’est pas imposée à lui dès la plus tendre enfance. Enfin, on peut dire tant mieux, car il y a dans le style de Pollock une rage d’écrire et de dépeindre la réalité qui n’aurait sans doute jamais vu le jour s’il avait été amené à écrire jeune.
Knockemstiff se présente comme un recueil de dix-huit nouvelles qui portent sur trois décennies d’une petite ville du Sud de l’Ohio: Knockemstiff. Chacune de ces nouvelles portent sur des personnages différents, bien que l’on en retrouve certains à divers moments de leurs vies. Ainsi, il y a des personnages récurrents qui apparaissent dans différentes nouvelles, à l’image de la Fish Stick Girl, fille psychotique, qui se balade avec des poissons panés dans son sac à main qu’elle distribue aux gens qu’elle rencontre.
Dirty realism
Il faut voir Pollock comme un auteur appartenant au dirty realism, courant dont font partie Buckowsky, Palahniuk ou encore Hubert Selby. Je m’explique. Le dirty realism ou réalisme sale, relève de la littérature minimaliste et se caractérise par l’utilisation du moins de mots possibles ainsi que par une description superficielle des choses. Les auteurs qui appartiennent à ce courant se contentent de poser le contexte et c’est celui-ci qui donne du sens. Ainsi, se sont rarement l’auteur, ou bien les personnages qui donnent du sens et interprètent ce qui leur arrivent. Cela arrive, c’est tout et c’est au lecteur d’interpréter et d’en tirer ce qu’il souhaite, bien que le contexte pose le sens général. Or, Pollock appartient totalement à ce courant. Il se contente de décrire les activités banales et quotidiennes de ses personnages. Il ne donne pas son avis, bien que son style dénote un profond attachement à ces personnes qu’il a côtoyé durant si longtemps, comme si il les excusait de leurs comportements, de leurs névroses et de leurs errances.
Mais, en même temps Pollock n’est pas un énième auteur de ce courant, il est différent. En premier lieu parce qu’il a un style qui diverge des tenants du dirty realism. Là, où chez un Selby on a un flot complètement déstructuré dans la ponctuation (pas de passage à la ligne, pas de tirets pour les dialogues) comme un torrent de mots servant à donner une impression d’étouffement au lecteur, Pollock, au contraire, écrit de façon précise, froide et chirurgicale. Les mots sont choisis avec justesse, renforçant par la forme même, la sensation d’une description dépourvue d’interprétation rendant fidèlement compte d’un quotidien désespérant, sans avenir, désolé.
Pollock écrit de façon précise, froide et chirurgicale
Aérosol, cancer et amphétamines
Ainsi, face à ce lieu perdu qu’est Knokemstiff, les personnages en sont réduits à un comportement autodestructeur, témoignage d’un rejet de leur existence et de leur vie. Ils se démolissent à l’aérosol, soignent le cancer en buvant du vin dès dix heures du matin où prennent assez d’amphétamines pour tuer un cheval dans l’heure. Ils sont suicidaires. Et ce n’est même pas leurs fautes. Ils nR...