Zone Critique revient surÉchapper, le dernier roman de Lionel Duroy, un récit gigogne placé sous le signe deLa leçon d’allemandde Siegried Lenz. Ode aux grands espaces et texte sur la reconquête de soi, une envolée sauvage pour réapprendre à vivre.
Dernier roman de Lionel Duroy, dans lequel le double de l’auteur, Augustin, récemment divorcé part sur les traces d’un livre qui l’a profondément marqué : La leçon d’allemand de Siegfried Lenz. Il nous entraîne à travers l’Allemagne du Nord à la recherche des lieux et des personnages du livre de Siegfried Lenz car il a en tête d’en écrire la suite. Bien entendu, c’est une histoire différente qui s’emparera du héros.
Une mise en abyme
Échapper estun roman où l’on suit passionnément l’échappée justement d’un écrivain, son voyage, son enquête sur les traces des personnages, des décors du livre de Siegfried Lenz. Lionel Duroy explique à propos de La leçon d’allemand « J’ai habité ce livre comme lorsque j’étais petit ». De cette volonté de s’immerger dans un livre en découle une autre histoire, celle qui va se tisser au fil des rencontres et des lieux qu’il va finalement croiser. Ne trouvant pas exactement ce qu’il cherchait mais fabriquant alors une autre aventure. Échapper est une mise en abyme, une plongée à l’intérieur d’un livre où le héros trouvera alors les ressources pour écrire à nouveau.
De cette volonté de s’immerger dans un livre en découle une autre histoire
Dans ce récit gigogne, s’entrelacent les personnages fictifs de Siegfried Lenz et les véritables rencontres qu’Augustin fera au fil de son échappée, les personnes qui croiseront finalement cet écrivain en quête de livre.
Un hymne à la liberté d’expression
Augustin part ici sur les traces du peintre dont s’est inspiré Siegfried Lenz, Emil Nolde, qui s’est battu une grande partie de sa vie contre le régime nazi pour que ses toiles lui soient rendues, que l’interdiction de peindre prononcée à son encontre soit levée. C’est un plaidoyer pour les artistes et leur liberté de s’exprimer. Au-delà encore même de la liberté, on distingue tout simplement la nécessité vitale que cela représente, et à quel point la vie s’arrête lorsqu’un artiste ne peut plus exercer son art. Il y a le peintre, et puis le parallèle est finalement fait avec le héros écrivain : « quand je n’écris pas, il me semble que la vie continue sans moi, que je la regarde passer sur le fleuve depuis la berge. Il n’y a qu’en l’écrivant que je parviens à l’attraper, que je la fais exister. »
« Il faut être de nouveau dupe de la vie, quoiqu’il nous arrive »
A travers ce livre, c’est ce message que nous livre Lionel Duroy. Augustin dont les enfants sont désormais grands, après une rupture amoureuse, dispose de temps. Le temps de s’autoriser cette échappée. L’auteur nous livre alors l’essence même de ce mot. S’échapper ici n’est pas un synonyme de s’enfuir mais un moyen d’accueillir la vie à nouveau. Dans un entretien, Lionel Duroy explique: « Si vous acceptez de vous mettre en danger, de prendre des risques, la vie vous en sera gré. » C’est cette énergie que respirent les pages, cette envie de partir pour chercher ailleurs ce que la vie peut nous réserver. Un horizon qui se déploie devant les pas d’Augustin au fur et à mesure que le livre avance. Avec son écriture sincère et sensible, Lionel Duroy nous dévoile les nouvelles perspectives et la poésie ravivée que peut offrir, à qui ose s’y lancer, ce genre d’échappée.
La force de la découverte, c’est ici que se loge la vie après l’effondrement. Telle est la résonance de ce dernier livre.
- Échapper, Lionel Duroy, Editions Julliard, 288 pages, 18,50 euros, janvier 2015