Inès Coville publie son premier recueil de poèmes aux éditions Bleu d’encre, Impoli/Dépoli. Artiste, musicienne et autrice, elle choisit ses mots comme des petites pierres sur le bord de la rivière : délicatement, avec précision. Elle les polit, puis les dépolit, les rendant parfois impolis, sortant des conventions de la poésie. Des mots comme petites pierres polies par une voix qui, loin de se chercher, s’est déjà trouvée. Un premier recueil remarquable par sa justesse.

L’ouvrage des expériences
Par son écriture, Inès Coville tente de faire œuvre de son expérience : la voix se met littéralement à l’ouvrage, se met en œuvre, dans et par l’expérience, qui devient alors un poème.
« la nuit j’attends que la lumière s’éteigne
le corps sombre
la tête ne
le corps plonge
la tête ne suit pas
la tête
Elle a sa vie propre c’est atroce
ça fait de la poésie »
Le quotidien – ses sensations, ses évidences, ses absurdités – est comme imprimé directement sur le poème, il se dit tout naturellement, sans se forcer, sans être sublimé. Mais parfois, une impossibilité à dire, dans la précision, s’empare de la voix, et rend d’autant plus poétique l’écriture d’Inès Coville :
« je voudrais te
et puis
car sans doute
la dernière fois que
j’imagine bien que
crois-moi j’aurais voulu
mais tu
enfin je »
Des « tu » et des « je », des « il » et des « elle », traversent une voix poétique qui tente de se frayer un chemin au travers de l’incertitude et l’hésitation. Cette voix n’entre pas sûrement dans le quotidien, mais elle tente de le cueillir, de le récolter. Délicatement, sans se presser :
« j’ai perdu mes chaussures
oubliées dans un train
je marche pieds nus c’est l’hiver
le printemps viendra
me caresser les pieds »
Souvent, le « je » se confronte à un « tu », comme un horizon auquel parvenir, un « tu » à qui parler, un « tu » à rejoindre. Le poème, par cette adresse, réussit à dépasser quelque chose de trop ancré dans la circonstance, et pointe ce qui résonne aussi en nous lecteurs :
« tes rêves de désordre
alors que tu vis dans l’ordre
tu comptes les pierres les graviers les caill...