Dans son premier roman, Kong Junior, Jean-Christophe Cavallin entraîne le lecteur aux portes d’une Venise aussi insaisissable qu’un mirage. Un voyage littéraire singulier, où se mêlent envoûtement et écho psychanalytique.

Quand j’étais plus jeune, nous devions lire comme la plupart des lycéens quelques romans dans la sélection du Goncourt – je faisais l’impasse, souvent, et la raison était simple : nombre de sorties m’apparaissaient comme des petits textes incompréhensibles et m’as-tu-vu, où chaque auteur semblait tordre sa phrase et sa pensée pour les rendre les plus absconses possibles. Depuis, j’ai grandi et ces petits livres tordus, je ne les ai plus trouvés (ou très rarement). Plutôt : ceux qui les ont remplacés sont devenus accessibles, bêtement lisibles – au point de regretter cette torsion. Celle qui différencie le texte littéraire de ce qui ne l’est pas. 

Kong Junior est un rescapé. Une anomalie à une époque où la majorité des lecteurs veulent de la lisibilité, des clés de compréhension. Je dirais même, un caprice (de l’auteur, de l’éditeur). Ça le rend aimable ; il ne nous le rend pas forcément. 

L’intrigue se situe à Venise, on imagine dès les premières pages le jeu de dupes et de masques habituels – c’est un peu ça, mais pas tout à fait. On y trouve pêle-mêle King Kong, des anges, un ictère, des sangliers, un asile, un paon aussi. Mais expliquer ce livre paraît aussi vain que de tenter d’expliquer un poème. 

– Cette île par exemple. Pour de vrai ou pour de faux ? 

J’ai dit que les deux. C’est comme le goût. Une pomme par exemple. Son goût existe vraiment, mais n’existe pour de vrai ni dans la pomme ni dans la bouche. 

– Mais alors où ?

– Dans leur rencontre. 

Les personnages n’existent qu’en tant que projections, ils sont des symboles, qui font sens (ou pas), qui se dissocient les uns des autres (ou pas). Lorenzo, Ritz, Kong, Franchi, Peacock : médecins, patients, amis, amants, on ne sait plus trop ça ne semble pas important....