Justine Lévy continue sa thérapie. Avec La gaieté, elle signe un roman de sagesse, où la jeune femme, désormais mère, refuse la tristesse qui l’accompagne depuis son enfance jusque dans ses livres.
C’est raté. Le roman est tristounet, mais salvateur pour l’auteur.
Louise c’est l’avatar de Justine Lévy. Celle qui a souffert de l’abandon de sa mère dans Mauvaise fille et de son divorce avec Adrien dans Rien de grave. La gaieté devait signer le beau temps venu après la pluie.
Un mari aimant et sain, deux enfants en parfaite santé et un papa poule.
Pourtant, Louise est toujours triste. Encore paralysée par ses souvenirs qui débarquent dans la diégèse du roman. Des allers et retours entre passé et présent. Justine Lévy est en pleine graphothérapie ici et rappelle cette maxime de Frédéric Schiffter : « J’écris pour empailler mes démons intérieurs »
L’écriture se fait flots de pensées : phrases longues, formules d’accumulation, ton vif et sincère. Comme si l’auteur, sur le divan, déballait tout ce qui lui passait par la tête. Ces souvenirs déchirants permettent à l’auteur de nous offrir une expression sincère et juste de l’expression de la tristesse. Mais rien de nouveau sous la pluie : depuis la nuit des temps, on chante nos désespoirs amoureux.
Mais qu’est-ce qui cloche finalement chez Louise ?
Le personnage narrateur nous tient une promesse dès l’incipit : elle refuse d’être triste. Pourtant, elle se traîne dans ce passé douloureux. On appréciait cette tristesse justifiée et arrachante dans Rien de grave. Notre cœur se pinçait tout pareil que Louise. On l’aimait, on la plaignait, on était de son côté. Du côté de l’écriture aussi, une écriture brute et puissante.
Mais aujourd’hui ? On voudrait la voir heureuse, forte rescapée, et on la voit fragile, se plaindre de ses voisins et de problèmes de jeune femme privilégiée.
Le « moi » est constamment dévalorisé, Louise ne s’aime pas et nous le fait bien comprendre.
La gaité n’est rien de plus que le journal d’une jeune mère paniquée pour ses enfants et encore hantée par ses démons empaillés
La gaité n’est rien de plus que le journal d’une jeune mère paniquée pour ses enfants et encore hantée par ses démons empaillés. Pourtant et heureusement, lorsque le narrateur ne nous confie pas ses névroses, que le récit reprend vie, on est là, on assiste joyeux, au déroulement d’une action virevoltante comme cette soirée arrosée, ou l’épisode final des photos.
La Gaité n’arrivera jamais.
Lousteau dans les Illusions Perdues annonçait : « Un grand écrivain est un martyr qui ne mourra pas. », on attend cela de Justine Lévy.
- La Gaité, Justine Levy, Stock, 216 pages, 18 euros, janvier 2015
Marie Gicquel