Il n’y a qu’à écouter Mr. Bojangles de Nina Simone pour se plonger dans l’ambiance du premier roman d’Oliver Bourdeaut En attendant Bojangles paru aux éditions Finitude en janvier dernier. Ce morceau, c’est celui sur lequel les parents du narrateur tournent en boucle. Avec sa voix naïve, le jeune garçon décrit leurs mille extravagances. Grand Prix RTL / Lire, Prix du roman France Télévision, Prix du roman des étudiants France Culture / Télérama, cette surprise romantique du printemps a tout raflé et l’a bien mérité.
Dans l’appartement qu’occupe le jeune narrateur et ses parents, c’est la fête tous les jours : défilé d’invités de tous les horizons, fontaine intarissable d’alcools, place permanente aux jeux. Dans la famille de cette kermesse éternelle, on demande le père : la pipe à la bouche, il passe son temps à rédiger son autobiographie tout en s’adonnant à son sport préféré le « gin tonic ». Quant à la mère, elle se distingue par sa joyeuse folie, ses tenues élégantes et sa répartie déconcertante.
Les premières cinquante pages servent à planter ce décor bordélique et fantasque très proche de l’univers de l’Écume des jours de Boris Vian. L’enfant parle de son éducation dans ce monde parallèle, où les problèmes de maths se font grandeur nature. La mise en place de l’intrigue vient plus doucement, et l’auteur prend le temps de débobiner toute sa fantaisie poétique ; le lecteur se régale.
Enfin, en parallèle aux pensées innocentes – donc parfois drôles – de l’enfant, la voix en italique de Georges, le père, raconte le commencement : sa rencontre avec la mère, dont le prénom change chaque jour.
Ophélie de Shakespeare s’unit à Colin de Vian
Rien de nouveau sous le soleil littéraire pour le cadre de la rencontre. Une fête très guindée, deux êtres sympathiques perdus au milieu de ces gens très ennuyeux. Et pourtant, la magie opère. Olivier Bourdeaut nous offre une rencontre crépitante de romantisme qui se finit en échappée belle. Une fuite vers la folie pour le père qui accepte le pari de passer le reste de sa vie dans un monde enchanté et anticonformiste.
Olivier Bourdeaut nous offre une rencontre crépitante de romantisme qui se finit en échappée belle.
La force de ce roman à l’intrigue simpliste réside dans ces portraits de personnages : Olivier Bourdeaut propose une réécriture du personnage Shakespearien d’Ophélie, accompagnée par son chevalier servant des temps modernes, mi Colin, mi Lupin. Une atmosphère qui mêle tous les sentiments, de la joie du premier verre en début de soirée à la mélancolie de l’aube en pleine hébétude, résumée par les notes de la chanson de Nina Simone « vraiment folle, triste et gaie en même temps. »
- En attendant Bojangles, Olivier Bourdeaut, Finitude, Janvier 2016, 15,5 euros.
- Et sur le site de la maison d’édition girondine, vous pouvez même lire les premières pages.