Zone Critique vous présente un nouvel article en provenance de son partenaire, le magazine La Cause Littéraire. Retour aujourd’hui sur la réédition de La violette du Prater de Christopher Isherwood.
Dans l’œuvre d’Isherwood, pourtant très fournie, il n’y a que des chefs-d’œuvre. Certes « Adieu à Berlin » y fait figure de sommet mais ce roman-ci est aussi l’œuvre d’un maître. Tout l’art d’Isherwood s’y retrouve, cette capacité à glisser sur la toile de fond sombre de l’histoire du XXème siècle pour se réfugier – et nous réfugier – dans le destin somme toute trivial de personnages romanesques. Romanesque, comment l’être plus que la figure centrale de ce livre : Bergmann, metteur en scène de cinéma digne du personnage de Falstaff du grand Will. Enorme, baroque, génial, bruyant, agaçant, attachant ! Le narrateur, le jeune écrivain/scénariste « Isherwood », mais oui, en est tout ébouriffé mais fasciné surtout. Les quelques semaines partagées à travailler avec Bergmann à la réalisation d’un film, « la violette du Prater », seront pour lui un vrai parcours initiatique. Pas seulement au plan professionnel, mais surtout au plan humain. Les scènes désopilantes se succèdent sous les yeux ébahis des collaborateurs du film et d’Isherwood.
La biographie d’Isherwood, comme dans toutes ses œuvres, n’est jamais loin, lui qui a fait de sa vie la matière fictionnelle de ses romans
Nous sommes à Londres dans les années 30. L’époque est aux menaces mondiales et elles font basse continue à ce roman. En arrière plan des hauts et des bas de cette production cocasse, on entend le bruit et la fureur qui montent en Allemagne, en Italie, en Autriche. La biographie d’Isherwood, comme dans toutes ses œuvres, n’est jamais loin, lui qui a fait de sa vie la matière fictionnelle de ses romans. Il dit les fracas de l’histoire et les déchirements intimes mais d’une plume légère et drôle. C’est dans Bergmann, dans l’âme vivante et magnifique de ce personnage démesuré, que Christopher Isherwood fait se croiser les fils de l’histoire intime et de l’histoire du monde. Il est un carrefour du dédale des destins qui annonce les effondrements à venir en Europe. « A quoi pensait-il ? A « la Violette du Prater », à sa femme, à sa fille, à Hitler, au poème qu’il allait écrire, à son enfance, au lendemain matin ? » La traduction de l’anglais est parfaite. Décidément, on vous l’a dit, ce livre est une merveille.
- La violette du Prater (The Prater Violet) de Christopher Isherwood. Traduit de l’anglais par Léo Dilé. Grasset, Cahiers rouges, avril 2014. 150 pages, 7,90 €.
- L’article original
Léon-Marc Levy