Zone Critique vous présente le premier numéro de sa série Focus, qui entend revenir sur le détail et sur l’histoire d’une oeuvre d’art mise à l’honneur lors d’une exposition du moment. Retour donc aujourd’hui sur les Silverclouds d’Andy Warhol.
Dans le cadre de notre premier Focus, j’aurais pu choisir de vous parler de la série Shadows actuellement visible à l’occasion de l’exposition “Warhol Unlimited” au Musée d’Art Moderne. Ce dernier présente pour la première fois en Europe l’oeuvre dans son intégralité mais il est plus enrichissant de s’intéresser à une réalisation moins connue de la star des pop : les Silverclouds, ou coussins argentés.
« Je pensais vraiment, vraiment en avoir terminé, alors pour marquer ma fin de carrière, j’ai fait des coussins argentés que l’on pouvait gonfler et laisser s’envoler. (…) Mais en fin de compte, les coussins argentés cosmiques ne se sont pas évaporés et ma carrière non plus ».
Ces coussins auraient pu marquer la fin de la carrière d’Andy, cependant ils relèvent plus de la synthèse d’un Warhol underground, moins proche de la société de consommation, d’une facette moins étudiée de l’artiste. Ces Silverclouds, coussins argentés gonflés à l’hélium, flottants dans les airs au gré du vent des ventilos aussi artificiels que la coiffure de notre protagoniste ne sont pas là pour divertir les enfants pendant que les parents se perdent face aux huit heures de film sur l’Empire State Building dans la salle suivante. Ils méritent une attention aussi particulière que les Shadows ou boîtes de soupe Campbell, cachant derrière l’hélium une oeuvre bien plus complexe qu’il n’y paraît, à l’instar d’Andy cet artiste protéiforme, ne pouvant être résumé à un pop artiste.
Leur couleur argentée est à elle seule sujette à développement : elle est une référence directe aux murs de la Factory, tous ornés de ce papier aluminium dans lequel la faune locale peut se refléter dans ce miroir, emprunt(s) de superficialité. Haut lieu de la culture underground avec Andy Warhol comme capitaine, c’est un terrain de production de ses propres oeuvres mais aussi de rencontres, de concerts, de projections et de fête. Il s’y entoure des artistes émergents. Musiciens, cinéastes mais aussi chorégraphes se côtoient et collaborent avec Warhol qui les promeut.
Andy Warhol a déjà avoué qu’il « n’aurait jamais voulu être peintre. J’ai toujours voulu être danseur de claquettes »
Ces Silverclouds ont été l’objet d’une de ces collaborations. Andy Warhol a déjà avoué qu’il « n’aurait jamais voulu être peintre. J’ai toujours voulu être danseur de claquettes ». Rêve exaucé d’une certaine manière. Merce Cunningham, chorégraphe contemporain américain, est passé devant une galerie exposant les coussins. L’idée lui est venue de les intégrer dans son ballet Rain Forest et Warhol a bien entendu accepté, voyant alors son oeuvre prendre une autre dimension, les corps des danseurs dialoguant avec les Silverclouds se mouvant de manière aléatoire.
Les coussins argentés, à défaut d’avoir mis un terme à la carrière artistique de Warhol, ont au contraire donné au travail de l’artiste une autre dimension en explorant de nouveaux médiums.
- Warhol Unlimited, Musée d’Art Moderne de la Ville de Paris, jusqu’au 7 février 2016