Loin des paysages époustouflants qui habillent souvent les films islandais, Les Belles Créatures nous plonge dans la palette maussade d’un quartier de Reykjavik pour suivre les aventures de quatre adolescents qui font bande à part. Dans ce coming of age vif et cru, Guðmundur Arnar Guðmundsson explore avec finesse les méandres de la violence et de l’amitié.
Un rêve raconté en voix-off, une main caressant les rayons du soleil, des scènes très brutales – mais également très topiques – de harcèlement scolaire. Pendant les dix premières minutes, Les Belles Créatures a du mal à trouver son équilibre, passantd’onirisme à réalisme sans trop convaincre. Tiraillé entre l’envie d’afficher sa singularité et le besoin de mettre efficacement en place ses thèmes, le début du long-métrage laisse présager un malheureux mélange de bons sentiments et de déjà-vu. Mais Guðmundur Arnar Guðmundsson nous fait rapidement regretter d’avoir eu de telles pensées. La rencontre de Balli, victime de toutes les brimades, avec Addi, Konni et Siggi, trio inégalitaire d’ados désœuvrés, illumine le film, qui révèle alors sa qualité d’écriture. Loin de faire de ces trois personnages des incarnations de bonté miraculeusement exempts de la violence qui s’exerce tout autour d’eux, le réalisateur choisit de leur donner le même fond que les autres : querelleurs, cruels, eux aussi auraient pu harceler Balli. Pourtant, ils ne le font pas. Presque malgré lui, Addi se prend de pitié pour ce garçon aux cheveux gras et à la maison défoncée, où le frigo est toujours vide. Commence alors sa lente intégration dans le groupe, de pièce-rebut à membre à part entière.
Les Belles Créatures est une exploration dense du cycle de la violence.
La Saga des Fiers-à-bras
Les Belles Créatures offre à voir une bande d’amis en quasi-autarcie ; les garçons sont libres d’à peu près tout, expérimentent de nouvelles drogues, louvoient entre la maison vide de Balli et la zone portuaire, et fréquentent, un peu plus timidement, des filles. Entre eux, l’amitié est féroce. Elle se construit par des semi-humiliations, des mises au défi, des épreuves de force – comme ce jeu qui consiste, simplement, à s’étrangler. Pourtant, c’est cette même amitié qui vient éclairer le film. Grâce à une constante redéfinition de ses personnages, Guðmundur Arnar Guðmundsson parvient à faire de la bande une entité vivante et réaliste, loin de la caricature. Les rôles initiaux – Addi l’attentiste réfléchi, Konni le chef mus...