Il existe deux grandes catégories d’adaptations des fictions de Stephen King au cinéma : les grandes œuvres et les gros ratages. Marche ou Crève, réalisé par Francis Lawrence, se situe très précisément à l’intersection. Son film est très correct mais un peu fainéant pour séduire pleinement.

En Amérique, dans un futur dystopique assez proche, cinquante jeunes s’engagent dans une marche au concept aussi simpliste que pervers : il est impossible de s’arrêter sous peine de mourir. Encadrés par des tireurs et sous le regard de caméras, le groupe avance tout en sachant qu’il ne peut subsister qu’un seul gagnant. Comme dans le roman de King (The Long Walk, titre original bien meilleur que sa traduction française), le vainqueur est récompensé par un vœu de son choix et une somme d’argent illimité. C’est donc une longue descente vers les enfers pour les marcheurs (un groupe de jeunes hommes proche de la vingtaine), qui s’amorce comme une inoffensive balade champêtre avant de virer graduellement vers l’effroi à mesure que les corps tombent comme des mouches. Prémisse aussi alléchante sur le papier qu’elle tient de la gageure pour un cinéaste : comment tenir deux heures sur un sujet aussi anti-spectaculaire que des gens qui déambulent ?
Face au défi, Francis Lawrence ne s’en tire pas trop mal. D’abord, le réalisateur conserve la très bonne idée du livre, qui était de rester vague sur le contexte politique de l’histoire afin d’en démultiplier la puissance métaphorique. L’adaptation, en dépit de quelques regrettables concessions (les flashbacks autour de la famille du héros) repousse la tentation du contrechamp et tient son étrange huis clos en plein air quasiment de bout en bout.
L’empreinte politique se réduit donc dans une poignée de signes génériques et brumeux (commandant, soldats armés, foule fanatique) ; et l’actualisation moderne (trumpienne ?) de la charge antitotalitaire très frontale dans le roman, écrit, rappelons-le, au moment de la conscription pour la guerre du Vietnam, ne pointe jamais vraiment le bout de son nez.
Les pistes du pur film d’actionou de l’horreur viscérale se dissolvent aussi vite. Si les assassinats entraînent tout juste quelques éclats de violence gore, ils peinent néanmoins à justifier l’interdiction du film aux moins de 16 ans, qui pourrait bien tromper son monde dans les salles. Au fond, c’est faire l’étude d’une bande en formation qui intéresse Lawrence, et c’est surtout en cela qu’il se rattrape aux branches de l’héritage de King.
“Marche ou Crève est en déficit chronique de fluides, de chair, de folie””
STAND BY ME
Le trajet est ainsi rythmé par de longues séquences de dialogues, dont les échanges esquissent en creux les portraits de ces é...