Féministe, littéraire, poétique mais surtout poignant, Les Contemplées est un récit addictif. D’une expérience traumatisante, dont elle a mis plus de cinq ans à réellement s’extraire, Pauline Hillier tire la plus belle des leçons et décide de la partager au monde. Dans cet ouvrage plein de métaphores, de peines, d’amour, de rires et de pleurs, l’autrice retrace son parcours dans la Manouba (prison, qu’elle nomme “mangeuse de femmes”) de Tunis, à travers des descriptions du système carcéral tunisien dur, violent, déshumanisant. En mettant l’accent sur son propre ressenti, son propre traumatisme, tout en conservant jusqu’à la fin, la raison de son incarcération, Pauline Hillier offre dans ce roman, une réécriture de la criminalité féminine tunisienne.
D’une bande de tueuses, de voleuses et de petites délinquantes, j’ai reçu la plus magistrale des leçons d’humanité.
A peine entrée dans cette pièce de 28 mètres carrés, les a priori de Pauline Hilliers’effondrent. Cette vingtaine de criminelles, viles, prêtes à tout pour survivre dans l’antre de la Manouba deviennent « de gentilles petites vieilles » et « des sœurs bienveillantes ». Elles prennent la narratrice sous leur aile, et l’aident à s’orienter au sein de cet abattoir.
« Ma fatale queue de vache s’abat sur la misérable qui déguerpit dans un tourbillon, tout étourdie, les pattes en l’air et les ailes emmêlées, dans un grand bzzz offusqué ».
Alors qu’elle devenait un animal en cage, perdant tout sens de sa propre humanité, ses co-détenues l’aident à revenir parmi les femmes, à force de gentillesse, de sororité et de bienveillance. Au fil du texte, les métaphores animalières se sont amoindries pour finalement disparaître totalement afin de laisser place aux femmes, les découvrant de plus en plus fortes et indépendantes. Cette humanisation laisse également place à l’indignation et la colère.
Un récit à l’écriture émotionnelle
Plus parlant qu’une quelconque description, les impressions et ressentis de la narratrice, écrites sous la forme d’énumérations, de gradations, ou de métaphores, transmettent un pathos important : « Verts les murs, vert le sol, verts les meubles, verts les gens, vert l’air qu’on respire. Je deviens verte moi aussi, sitôt entrée, saisie à la gorge par une puissante odeur d’égouts et de corps sales. » Ces phrases de description crues, rapides et efficaces nous entraînent avec la narratrice au cœur de la prison, qui ne fait « qu’une bouchée de [nous] ». Au fur et à mesure, nous commençons, nous aussi, à nous imprégner de l’atmosphère de l’endroit : à imaginer les journées longues, à la plaindre des nombreuses fouilles qu’elle subit, mais aussi à ressentir la sérénité ou la reconnaissance des femmes entre elles.
Il est toutefois important de préciser qu’elle-même souligne le caractère rétrospectif de ce roman et l’utilisation de souvenirs particuliers accompagnés de quelques annotations ...