Imaginez un monde où les hommes ne pourraient plus violer les femmes, car certaines d’entre elles auraient la capacité de se défendre, grâce à un superpouvoir : celui de faire imploser le phallus des agresseurs. Utopique ? Révolutionnaire ? Barbare ? Ridicule ? Pourtant, c’est ce qui est dépeint dans le roman Phallers de Chloé Delaume, gagnante du prix Médicis en 2020 pour son livre Le cœur synthétique.

Dans ce récit aux allures despentiennes, on y rencontre Violette, 17 ans, dotée d’un pouvoir qui la dépasse : il lui suffit d’un seul regard pour que les parties génitales de son agresseur finissent en mille morceaux.
Subissant depuis des années les viols de son beau-père, la fureur s’empare soudainement d’elle lorsqu’elle est harcelée par un inconnu dans la rue.
D’abord désemparée et culpabilisant de cette nouvelle compétence (quelque peu handicapante !), elle est ensuite recueillie par une communauté sororale, où toutes partagent ce même pouvoir étrange. Sidonie, Eulalie, Dahlia et Marcia aussi appelées les « Phallers » n’ont qu’un seul objectif : réduire le phallocentrisme, et ses agresseurs à un « geyser de viande hachée ».
Un livre de science-fiction humoristique
Chloé Delaume, connue pour son style littéraire expérimental et autofictionnel, utilise, ici, la fiction afin de se libérer d’une société patriarcale aliénante, où les violences sexuelles restent trop nombreuses (un viol toutes les sept minutes en France d’après le « Haut conseil à l’égalité entre les hommes et les femmes ») et les bourreaux encore trop souvent impunis (en 2024, plus de 86 % des plaintes ont été classées sans suite, selon « l’Institut des politiques publiques »).
Le récit utopique se veut cathartique : pendant un moment, le temps de quelques pages, les femmes peuvent se rêver libre, en sécurité.
Si l’œuvre s’apparente au SCUM Manifesto, texte radical et provocateur de Valérie Solanas publié en 1967, qui incite à une rébellion meurtrière des femmes contre le patriarcat, Phallers n’est ni un essai ni un manifeste. C’est une œuvre de fiction ironique à prendre avec des pincettes. Bien évidemment que l’autrice ne propose pas de castrer les hommes !
Pour appuyer la fictionnalité du récit, l’écrivaine emprunte à la science-fiction, avec pléthore de références. Le groupe des « Phallers » fait penser aux Marvel, seulement il s’agit ici d’un groupe de superhéroïnes qui font justice en punissant les agresseurs, grâc...