Après Le Bijou dessiné, l’École des Arts Joailliers ouvre à nouveau ses portes pour Pierres Gravées, une exposition tout à fait remarquable autour de l’histoire de la glyptique de l’Antiquité au XIXe siècle, à quelques encablures de l’éclatante place Vendôme. Quelle intaille vais-je mettre aujourd’hui ? Telle pourrait être la question que se pose le collectionneur Guy Ladrière face à son incroyable collection de pierres gravées. Jusqu’au 1er octobre, la collection particulière de Guy Ladrière est présentée pour la première fois, gratuitement, aux yeux du public qui découvre non seulement une technique méconnue, mais aussi une esthétique fascinante.
Un métier d’art
Je l’ai déjà écrit plusieurs fois dans d’autres articles : le métier d’art est essentiel pour la préservation de notre patrimoine culturel. Il incarne des savoir-faire uniques qu’il est impératif de transmettre. L’École des Arts Joailliers, en organisant ces expositions, a ce désir de dévoiler au public ce qu’il méconnaît et de montrer toute la part de beauté et de poésie qui auréolent ces métiers d’exception.
Ainsi, dès la première salle de l’exposition, le visiteur découvre le métier de graveur de pierres précieuses. L’art de la glyptique est raconté à travers la vidéo d’un entretien d’un des graveurs de la maison Cartier. Ce sont des gestes précis que le visiteur découvre, comme des caresses sur la pierre lisse qui petit à petit laisse se dévoiler une panthère stylisée, symbole de la maison Cartier et de Jeanne Toussaint. Cette mise en bouche prépare l’esprit du visiteur. Elle lui donne les clés pour comprendre ce qui suit : des chefs d’œuvre. Aussi, cette vidéo et les deux vitrines semblent nous dire : « Attention. Observez-bien. Il va se passer quelque chose de merveilleux. »
Et en effet, ce qui se passe ensuite est tout bonnement incroyable. On déambule dans la pièce où plusieurs vitrines dévoilent des merveilles de joaillerie dont l’intaille, cette bague dont la pierre précieuse est gravée en creux afin de laisser une empreinte à la manière d’un sceau. L’image est alors gravée à l’envers. Il s’agit d’une des techniques les plus anciennes. Certains bijoux datent de cinq millénaires dans l’Orient ancien. Le travail est délicat, minutieux, les détails sont absolument renversants et l’on ne peut être que fasciné par les pièces qui sont exposées. Cornaline, calcédoine, jaspes, agate, turquoise, la majorité des pierres exposées sont des pierres semi-précieuses, mais il n’est pas rare de voir les pierres précieuses gravées elles aussi.
Depuis l’Antiquité, la technique n’a guère changé. Les lithoglyphes travaillent par abrasion de la pierre grâce à un petit outil rotatif, préalablement enrobé de poudre abrasive de diamant ou de corindon qui vient travailler la pierre de façon délicate. Aujourd’hui, l’outil est devenu électrique, mais imaginez le lithoglyphe dans la Rome antique en train d’actionner son trépan grâce à un archet pour le faire tourner !
Le travail n’est pas seulement technique, il est aussi artistique, car le lithoglyphe réalise avant tout un ouvrage créatif. Les différentes variations chromatiques que l’on peut observer sur certaines bagues sont le fruit d’un long travail de recherche de la pierre qui présente plusieurs couches chromatiques et qui répondra au bon sujet.
L’exposition est une plongée riche dans l’univers de la glyptique à travers des intailles, mais aussi des camées et des ouvrages en ronde-bosse. Tout cela fait rêver.
Les pierres au service du pouvoir
Outre une exposition sur l’histoire des techniques et sur la gemmologie, Pierres gravées est aussi une plongée dans l’Histoire de l’Art.
Il y a, pourrions-nous dire, trois temps où l’Art a flirté avec le Pouvoir : l’art au service des dieux, l’art au service des rois et l’art en dialogue avec le pouvoir. Dans l’Antiquité, l’inspiration vient des mythes grecs. Les empereurs romains portent l’intaille pour symboliser leur pouvoir, d’autres en guise d’amulette pour les protéger, insufflant à l’intaille ou au camée un pouvoir spirituel fort.
C’est à la Renaissance que l’intaille revient en force sur le marché des collectionneurs qui désirent posséder cet objet luxueux et rare. Au début du XVIIe siècle, un collectionneur du nom d’Abraham van Goorle fait publier sa propre collection en gravure, collection dont on retrouve quelques pièces dans l’exposition. Cette publication montre l’importance de ces objets rares et la fascination qui les entourait. Aussi, elle a permis le développement de copies ou de créations nouvelles inspirées des pièces antiques comme une intaille du XVIIe siècle représentant Mercure tenant un vase qui est un écho à une intaille antique représentée dans le livre de van Goorle.
Les grandes figures du pouvoir sont à l’honneur : Cléopâtre Ier – à ne pas confondre avec Cléopâtre VII – l’empereur Auguste, le roi René d’Anjou, la reine Elisabeth Ier… l’intaille ou le camée sont au service des puissants. Avec les matériaux les plus précieux, les lithoglyphes représentent les personnes les plus précieuses de leur temps ou de leur mythologie. Certaines pièces sont absolument remarquables. Le portrait d’Alexandre en Minerve sur un camée est fascinant. Réalisé au XVIIe siècle, le camée montre Alexandre le Grand, figure de fascination au Grand Siècle y compris pour le roi Louis XIV qui y voit un modèle, sur de l’agate, de la sardonyx, de la calcédoine et de la cornaline, créant un mélange chromatique absolument éclatant.
Autre pièce remarquable est le portrait de l’empereur Auguste en intaille en rubis qui date du Ier siècle ap. J.C. Le rubis est une pierre rare à l’époque, pour ne pas dire rarissime. La préciosité de la pièce est alors incommensurable. On voit ici l’importance du personnage à travers la pierre utilisée mais aussi à travers la couleur rouge, couleur du pouvoir et de la force.
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L’Ecole des Arts Joailliers dévoile des pièces remarquables. Très dense, l’exposition est une découverte très intéressante d’une technique de joaillerie mais aussi d’une esthétique qui fascine toujours les collectionneurs. L’exposition vous est proposée jusqu’au 1er octobre 2022 en entrée libre sur réservation !
