Avec Les Jeux sont faits, Sarah Vajda nous offre une dystopie, une enquête policière et un conte philosophique. L’État a rendu obligatoire l’euthanasie, le patrimoine se transforme en marchandise : une fois encore le capital se cache sous les oripeaux de l’humanisme pour imposer le nazisme. Dans une langue à la fois généreuse et exigeante, Sarah Vajda compose une fugue pour ses personnages, Mireille, Davia, Démona, Paul… : la fugue des êtres pour la vie.

Sarah Vajda, Les Jeux sont faits

Sarah Vajda est de retour ! La virtuose du verbe revient et ses héros fuient. Il le faut bien puisque l’État renforce sa providence et impose l’euthanasie obligatoire pour tous les plus de 68 ans ! Et ravalez immédiatement le réflexe de penser que c’est jeune tout de même pour une euthanasie obligatoire. Là n’est pas la question. Il ne s’agit pas ici d’entrer dans un débat politique et tous les moindres maux (qui sont quand même des maux) qu’il convoque. Non ! Il s’agit de recevoir un conte philosophique par le truchement d’une énigme policière en pleine dystopie. Il ne s’agit pas moins de danser au son de la fugue jouissive composée par l’auteur : « invitation au voyage, prélude au rêve… Art de la fugue. »

Première voix : celle de Mireille, 67 ans, qui a décidé de fuir le programme d’euthanasie obligatoire. Le salut est dans la fuite, toujours. Plutôt crever qu’être euthanasiée ! « Puisque mourir il faut, elle mourra au soleil, surtout au temps prescrit par la chronologie, la biologie. Et merde au législateur qui prétend élire l’heure. » La fugue commence donc par celle de Mireille qui accepte « la fin des vanités, de devenir une femme nouvelle, étrangère à elle-même » pour rejoindre d’abord la province, la Camargue. Mireille joue sa partition, sans identité, sans carte bancaire, sans Sécurité sociale, elle a l’intuition que l’humain est encore possible ailleurs. Et si personne ne se présente alors « Elle mourrait, brave chèvre de monsieur Seguin, avec ses certitudes d’expérience, pas la bouche pleine des mots des autres. » 

La deuxième voix qui s’additionne à celle de Mireille, en contrepoint, a toujours été là, dès le début. C’est celle de la narratrice qui se superpose dans le canon polyphonique littéraire. Davia l’orpheline s’est choisie Mireille la survivante comme mentor et comme mère. « C’est un bon nom Mireille, ça s’appelle la vie. (…) C’est un bon nom Mireille, ça s’appelle la rencontre. » 

La Camargue n’était qu’une étape dans la fuite. Nous sommes désormais en Corse. L’île apparaît comme une utopie. Cette dernière a définitivement fait sécession avec la métropole et accueille les vieux. Mais le capitalisme rattrape et envahit l’utopie en dénaturant le patrimoine devenu marchandise. Le père de Davia fait partie de ces dix opposants pacifistes à la monoculture touristique de Piazzino, il fait partie de ceux qui meurent dans l’attentat qui visaient ces simples résistants. Davia se choisit donc Mireille comme mère, puisqu’elle lui paraissait l’...