Boursouflé, brutal, cynique et manipulateur pour les uns, stupéfiant, renversant, monumental pour les autres, Sirat divise le public de manière assez radicale, et on lui doit déjà bien ça, en ces temps d’œuvres plates aux indignations balisées de fil blanc, (« c’est qui qu’on dénonce cette semaine ?»), algo-conçues pour vous caresser dans le sens du poil et conforter votre certitude d’être du bon côté de l’histoire. Non, ici, rien de tout cela, et l’ambition s’annonce d’emblée dans le titre, qui fait référence à un pont fin comme une lame qui mène du Paradis à l’Enfer : un very bad trip métaphysique et halluciné dont on ne ressort pas indemne.

Un père, joué par Sergi Lopez (excellent acteur, comme toujours – mais ici, particulièrement bluffant), accompagné de son jeune fils, se rend à une rave sauvage en plein désert marocain afin de tenter d’y retrouver sa fille, teufeuse disparue 5 mois plus tôt. Voilà pour l’argument minimaliste du nouveau film de Oliver Laxe, Prix de Jury à Cannes cette année. Commence alors une longue traversée du désert en mode survival au rythme d’une bande son electro hypnotique digne des meilleurs teknivals (également récompensée du Cannes Sountrack Awards pour Kangding Ray).

On fait beaucoup de reproches à Sirat : il serait trop léger (Oliver Laxe se vante d’en avoir écrit le scénario sur le dance floor, c’est dire) ou trop lourdingue (boom, boom, zéro finesse) ; il ne serait pas à la hauteur des nombreux chefs d’œuvres dans la lignée desquels il s’inscrit (de Pink Floyd in Pompéi à Fury Road, de Sorcerer de Friedkin à Fata Morgana de Herzog) – certes, mais il n’en est pas très loin ; il utiliserait la rave comme fond d’écran, sans rien révéler de ce qui se joue de résistance dans ces fêtes sauvages – certes, mais ce n’est pas un documentaire ; il ne fait pas vivre ses personnages, trop archétypaux, et se contente d’en brosser le portrait, sans leur donner la place ni le temps de s’épanouir – certes, mais avec des gueules pareilles, est-ce vraiment nécessaire, et l’archétype n’est-il pas une force ? Pire, on lui reproche un certain cynisme : il mépriserait ses personnages, qu’il traite comme des marionnettes dont il tire les ficelles, pour mieux les punir de l’inanité de leur périple (les vilains blancs – sont-ils v...