Ce n’est pas le contenu artistique en lui-même qui m ’a poussé à vous parler de l’exposition Les Mille et une nuits, actuellement à l’Institut du Monde Arabe. Une affiche aguicheuse dans les couloirs de métro et l’expérience d’expositions de qualité dans ce lieu ont simplement suffit à me convaincre.
Les origines : des préjugés brisés
Ainsi leur but était d’enseigner la bonne manière de gouverner : une sorte de Fables de La Fontaine machiavelienne
Cependant évoquer les Mille et Une Nuits dans une rubrique d’art n’est pas si étonnant. Ces contes ont inspiré bien des artistes contemporains et l’exposition est l’occasion de revenir sur ces diverses représentations au fil des siècles, tout en admirant les éléments quotidiens et contemporains au moment des écritures du récit. Oui, parler de moment au pluriel n’est pas une erreur. en effet ce recueil ne fut pas écrit d’une seule main et de façon continue sur un laps de temps court. Bien au contraire, c’est d’abord à la région indo-persane que l’on doit les origines de ces fables, même si les versions actuelles n’en contiennent que des résidus. On a ensuite perdu toute trace écrite d’elles, mais cela ne signe pas pour autant leur disparition. La tradition orale perpétua la transmission de ces récits, à l’origine à la destination des princes. Ainsi leur but était d’enseigner la bonne manière de gouverner : une sorte de Fables de La Fontaine machiavelienne.
Malgré cela, les Mille et Une Nuits n’ont jamais été considérées comme une grande œuvre mais plutôt comme un ouvrage familial et divertissant. A tel point que la « traduction » française d’Antoine Galland connut un véritable succès dès sa parution au XVIIIe siècle. Le mot traduction est d’ailleurs ici à prendre avec des pincettes, puisque n’ayant qu’un recueil partiel entre les mains, il lui fallut combler certains vides par des récits de sa propre création. Ainsi naquirent la fable d’Aladin et bien d’autres récits connus de tous. De plus Antoine Galland et les nombreux autres traducteurs adaptèrent les textes aux mœurs et au lectorat de l’époque. De cette très libre interprétation résulte alors une perte des récits d’origine.
La première partie de l’exposition peut nous rebuter puisqu’assez rébarbative, cependant on comprend ensuite son caractère essentiel.
Une diversité fertile pour les artistes
Se déroulant dans le monde oriental, ces contes sont également un témoignage du mode de vie de l’époque, toutes classes de population étant décrites. L’exposition a alors pris le parti (et le bon parti) de présenter des éléments de la vie quotidienne censés être contemporains des contes de Shéhérazade. Ce qui nous permet de rentrer dans l’univers des Mille et Une Nuits avant d’aborder tous les thèmes récurrents du recueil. On peut diviser ces derniers en deux parties : ceux se rapprochant de l’humain, et ceux se rapprochant du contexte historique. Ainsi l’amour et l’érotisme sont quasi-omniprésents, et la frontière entre le monde réel et les mondes fantastiques se situe souvent dans des mondes intermédiaires. Ces derniers sont d’ailleurs décrits dans les nombreux contes narrant des voyages en mer. La guerre et la cruauté ne sont pas non plus à négliger cette dernière étant à l’origine même du récit cadre.
Tour à tour ces récits furent réinterprétés des manières les plus diverses et Shéhérazade connut mille visages
Cette richesse et cette diversité fut sans cesse une inspiration pour les artistes au fil des siècles.Tous les médias artistiques ont alors été touchés : la peinture, la sculpture mais également les ballets. Tour à tour ces récits furent réinterprétés des manières les plus diverses et Shéhérazade connut mille visages. Ces diverses représentations ont pour origine la diversité des sources. De nombreux artistes se sont donnés la tache de la représenter tantôt en femme fragile au pieds du Sultan, tantôt courageuse et luttant contre l’injustice et la cruauté.
D’une exposition concernant un thème aussi général, la déception était bien évidemment attendue au tournant. Elle était d’autant plus attendue aprèsl’expérience médiocre de Bohème au Grand Palais. Cependant, ce fut ici une surprise de voir un traitement aussi propre, ludique sans trop en faire, n’altérant pas la qualité des œuvres dont le choix était pertinent et aux travers desquelles on perçoit une véritable recherche, une problematisation pourtant non évidente sur un tel sujet.
Le site de l’exposition
Cassandre Morelle