Tambours battants, nous arrivons sous la Coupole du quai de Conti pour la rentrée solennelle de l’Académie des beaux-arts, le 15 novembre 2023. Le commun des mortels entre en premier, puis sabre brandi, timbales sonnantes, les Immortels font leur apparition et prennent place. Monsieur le Président de l’Académie des beaux-arts pour l’année 2023, Michaël Levinas, ouvre la séance. 

Monsieur le Vice-Président Adrien Goetz présente les prix de l’Académie des beaux-arts 2023, soit 38 prix décernés. Ensuite, Monsieur le Secrétaire Perpétuel Laurent Petitgirard expose les différentes missions de l’Académie et conduit l’orchestre de Picardie, lui qui fait partie des grands chefs d’orchestre français. Il clôture la séance par son discours solennel en hommage aux artistes et à leur parole si importante en nos temps si troubles. 

Perpétuer

L’Académie des beaux-arts est un garant de la République française et de la culture française en France et par le monde. Ainsi, plusieurs programmes sont menés par les Académiciens afin de perpétuer, toujours, le savoir-faire et le savoir-être français. Il s’agit de diffuser, de promouvoir, de créer et de penser à la manière dont les arts français peuvent se faire voix. 

Évoquons ainsi le formidable travail que réalisent les correspondants de l’Académie des beaux-arts dans nos instituts français, que l’on soit en Europe, en Asie ou en Afrique. La mission essentielle est de coopérer, de créer des dialogues fructueux entre les générations et de créer une passerelle : c’est ainsi que l’on perpétue. Les neuf Grands Prix de l’Académie des beaux-arts, créés à l’initiative de Laurent Petitgirard, vont dans cette voie. Ils récompensent la carrière d’artistes reconnus dont le but est de passer le flambeau en encourageant la jeune génération, grâce à une dotation, à poursuivre la création française et internationale. Car, comme Laurent Petitgirard a aimé le rappeler : l’artiste n’est pas son passeport. 

Séance solennelle de la rentrée 2023 – Académie des beaux-arts © Patrick Rimond

À ce titre, dans son discours de clôture, Laurent Petitgirard a rendu hommage aux artistes mis au ban à cause des différents conflits géopolitiques. Il a voulu souligner le scandale d’annuler des expositions ou des représentations d’artistes russes, maliens, nigériens et de tant d’autres. À la faveur de cette pensée qui place l’art au-dessus de la barbarie, Laurent Petitgirard a rendu hommage au chef d’orchestre Daniel Barenboim qui, en créant son école, fait jouer de jeunes musiciens palestiniens et israéliens. Dans l’horreur de la guerre, l’art peut réunir. Ainsi, nous perpétuons une concorde autour de l’art. 

Soutenir

Adrien Goetz, Monsieur le Vice-président, a rappelé les lauréats des 43 prix que décerne l’Académie des beaux-arts. Toutes les disciplines sont mises à l’honneur : de la peinture à la danse, en passant par la musique et l’architecture. L’Académie des beaux-arts soutient les arts à hauteur de 660 000 euros venant des fonds propres de l’Académie, des fonds de l’Institut de France et de ceux de généreux mécènes. 

Ces prix témoignent de la volonté profonde de l’Académie de faire rayonner les arts contemporains à travers le monde. C’est un encouragement pour les jeunes générations d’artistes en quête de reconnaissance. Et quelle reconnaissance lorsque l’on voit tous ces artistes réunis sous la Coupole face aux Immortels. 

En ce qui concerne les prix soutenant la jeune garde, nous pouvons citer les prix Pierre Cardin que l’ancien membre de l’Académie a créés en 1993 pour soutenir un peintre, un sculpteur, un architecte, un graveur et un compositeur. Chaque prix est doté d’un montant de 8 000 euros. De la même manière, le prix d’encouragement de l’Académie des beaux-arts récompense cinq jeunes artistes sur proposition de chacune des sections de l’Académie. À l’orée de ces prix, qui honorent les artistes au seuil de leur carrière, certains prix sont une sorte de coup de pouce généreux qui encourage à poursuivre. Ainsi, le prix Frédéric et Jean de Vernon pour la sculpture et le prix de dessin Pierre David-Weill récompensent des artistes de moins de 40 ans. 

Pour les trois Grands Prix décernés cette année, l’Académie a choisi de célébrer la carrière du metteur en scène Robert Carsen, de l’actrice et réalisatrice Agnès Jaoui et enfin de la chorégraphe Germaine Acogny. Graciela Iturbide est la photographe récompensée par le prestigieux prix de photographie William Klein, le seul en photographie de l’Académie des beaux-arts.

Aux prix s’ajoutent les résidences d’artistes, aujourd’hui importantes dans leur carrière. Fut un temps où ces résidences étaient exceptionnelles, presque inespérées pour les jeunes artistes. Aujourd’hui, il y a pléthore de résidences en France qui accueillent les artistes. Peut-être pallient-elles la pénurie d’ateliers ? Néanmoins, quelle que soit leur forme, elles sont le visage d’un monde de l’art dynamique et vivant. Elles créent un dialogue entre les disciplines et une synergie entre les artistes qui sont demandeurs de rencontres. Le temps de l’artiste reclus dans son atelier aux odeurs d’huile ou de terre semble désormais révolu. 

Wittner et le chœur Maîtrise Sainte Philomène de Haguenau – Séance solennelle de la rentrée 2023 – Académie des beaux-arts © Patrick Rimond

L’Académie gère quatre sites qu’elle a en sa possession. L’un d’entre eux, la Villa Dufraine fraîchement restaurée et dirigée par l’artiste académicien Jean-Michel Othoniel, propose une exposition, gratuite, intitulée Bonsoir Mémoire, des artistes en résidence jusqu’au 3 décembre à la Monnaie de Paris. Pour les autres, on peut citer les très célèbres Casa de Velázquez, Villa Médicis et tant d’autres que l’Académie soutient. 

Enfin, on a tendance à oublier l’action sociale que l’Académie des beaux-arts mène chaque année pour soutenir les artistes en difficulté. Ainsi, près de 200 actions ont été réalisées pour l’année 2023, en plus du soutien aux artistes ukrainiens débuté en 2022. 

Éclairer

L’Académie des beaux-arts, moins connue sans doute que sa sœur littéraire, semble faire figure d’exemplum pour l’art contemporain français. Son rôle n’est pas seulement fait de symboles et de palabres. De véritables actions sont menées, certainement dérisoires au regard de la montagne qui se dresse devant elle, mais elles ont le mérite d’éclairer et de donner une direction. Les Académiciens donnent à ce titre des conseils aux pouvoirs publics. Sont-ils pris en compte ? Nous ne le saurons guère.

Séance solennelle de rentrée 2023 - Académie des Beaux-Arts © Edouard Brane
Séance solennelle de la rentrée 2023 – Académie des Beaux-Arts © Edouard Brane

En plus d’éclairer, j’ajouterais le verbe « inspirer », comme peut le faire un professeur ou un maître. Les Académies sont encore chargées de symboles qui peuvent insuffler un regain d’espoir et une vision plus spirituelle, plus sacrée de nos arts. 

Lorsque, sous la coupole de Le Vau, sous le regard de Napoléon et à l’ombre du cénotaphe du cardinal de Mazarin, s’élèvent les voix des orateurs ou celles des instruments, il y a ce je-ne-sais-quoi de fierté et d’admiration pour cette institution si française. Tout l’esprit français, celui qui éclaire, celui des Lumières, semble concentré, de façon sacrée, dans ce lieu qu’est l’Institut de France. Aussi, faut-il garder ce joyau et se réjouir de son existence. 

Crédit photo : Académie des Beaux-Arts © Patrick Rimond