En plein cœur du 7e arrondissement, le PAL Project fait figure de GENI (Galerie Expérimentale Non Identifiée), tant leurs propositions artistiques déroutent, étonnent, mais attisent la curiosité de l’amateur d’art qui découvre alors une jeune scène artistique prometteuse. Un fil se tend est la seconde exposition à laquelle nous assistons. Après There will never be a beautiful suicide, la nouvelle exposition réunit jusqu’au 11 mars huit artistes.
Natures mortes contemporaines
Il y a l’idée d’une exploration de la chose. Après la grande exposition consacrée à la nature morte au musée du Louvre, nous avons vu dans l’exposition de la PAL Project une extension contemporaine et jeune de ce qu’a pu proposer le Louvre. Les médiums sont variés et la réflexion porte sur différents sens : vue, toucher, ouïe.
La première œuvre à capter le regard est un long drap teinté par l’artiste Emma Passera qui semble vouloir nous emmener dans un vieux grenier que le temps a passé. Parmi les objets brisés, un verre à pied trône dans lequel flotte une araignée – une Tegeneria domestica, oui je sais reconnaître nos amies arachnides – symbole des lieux anciens que le monde a oublié et qui devient un habitat fort à propos pour de nombreuses espèces. Cette œuvre-installation m’est apparue comme une nature morte in situ, clin d’œil sensible aux maîtres du genre. L’autre œuvre d’Emma Passera nous a véritablement marqué. Il s’agit d’un miroir brisé. Sept ans de malheur ! Non, ici il y a le temps qui passe, la jeunesse passée et peut-être nos vies si fragiles.
Les peintures abstraites sont pour la plupart des monochromes. Le peintre Kaï-Chun Chang propose des œuvres qui invitent à un état méditatif. Les petits formats obligent le visiteurs à se rapprocher, à plonger dans la peinture et à n’en ressortir qu’autrement, dans un état de flottement chromatique qui se veut la frontière poreuse entre le réel et la réalité.
La nature morte a pour habitude de montrer des crânes. Le XVIe siècle humaniste a eu cette fascination pour le corps humain et l’étude anatomique. Et bien, l’artiste Winnie Mo Rielly s’inscrit dans cette veine avec ses œuvres qui montrent des parties de corps dans des installations en carton. Puzzle géant qui nous invite à reconstituer le corps démembré, l’œuvre intrigue et invite à une réflexion sur le corps et son dévoilement.
Natura, naturae
Toujours dans cette veine de la nature morte, les sculptures florales de Victoire Inchauspé font écho à toute cette tradition de la fleur, symbole de vie et de mort. Figée par la sculpture, la fleur de Victoire Inchauspé – dahlia ou marguerite ? – diffuse une poésie lumineuse et légère dans la pièce. Une des sculptures est posée sur un tissu rose, prête à être enveloppée et à être déposée sur un autel imaginaire.
Une œuvre merveilleuse a retenu mon oreille, car c’est de l’ouïe dont il s’agit. Léo Marybrasse nous fait écouter le pavot. Là où le XIXe siècle a préféré le fumer dans les bordels d’Europe et d’Asie du Sud-Est, l’artiste de 24 ans a choisi de nous le faire écouter en faisant tourner la capsule de la fleur pour faire résonner de façon très discrète, dans un micro placé en face d’elle, les graines qu’elle renferme. Éminemment poétique, cette œuvre est pour moi une ode à la nature et témoigne d’une véritable attention à la fleur. Léo Marybrasse lui rend hommage et par cette mélodie appelle le marchand des rêves.
Ce sont des œuvres mélancoliques que le PAL Project expose en ce moment dans une exposition qui explore les notions du Tempus fugit et de l’impermanence des choses. C’est une exploration de l’éphémère et comme chacun le sait, il n’y a que l’éphémère qui dure.
Un Fil se tend, jusqu’au 11 mars 2023 à la Galerie PAL Project – 39, rue de Grenelle – 75007, Paris.