Au Carreau du temple, non loin de quelques graffitis qui ornent les murs de la mairie de Paris Centre et de la statue de la Place de la République, se tenait le salon d’art dédié aux Arts Urbain ou plutôt à ce que l’on appelle le Street-Art. Longtemps conspué, le street art s’est fait une place dans le milieu de l’art et a trouvé la reconnaissance du public. Cependant, qu’est-ce que l’art urbain aujourd’hui ? Ce que nous avons vu aurait pu être exposé à Art Paris et pourtant voilà certaines œuvres sur les stands d’Urban Art Fair… Les frontières sont poreuses !

De la rue aux vitrines

Il est intéressant de voir que l’art urbain fait désormais partie intégrante du paysage artistique français. Le bateau Fluctu’art donne un espace d’expression aux artistes urbains, l’Hôtel de Ville a consacré une exposition sur l’histoire du street-art depuis soixante ans, les collaborations entre musées et des artistes comme JR se développent et l’on ne considère plus, aujourd’hui, ces artistes comme des vandales. Urban Art Fair, elle, ouvre sa septième édition.

Le street-artist n’est plus désormais le rebelle et celui qui, dans les années 80, s’érigeait en contre-culture. Le public a compris que le medium était différent et que le street-artist faisait partie d’une longue lignée d’artistes avant lui que l’on pourrait remonter à l’Antiquité comme le montrent certaines découvertes à Pompéi. Urban Art Fair témoigne d’une véritable énergie et d’un dynamisme de le part de l’art urbain qui a tout à gagner. L’art urbain est l’art qui est résolument l’expression de notre époque à sa plus courte échéance.

Aujourd’hui, le street-artist est pleinement ancré dans le marché de l’art et a résolument compris son mécanisme. Au-delà d’une communication efficace, comme Invaders et son application mobile, les street-artists ont développé aussi leur technique.

Aujourd’hui, le street-artist est pleinement ancré dans le marché de l’art et a résolument compris son mécanisme. Au-delà d’une communication efficace, comme Invaders et son application mobile, les street-artists ont développé aussi leur technique. Fini les œuvres soumises aux intempéries et à l’éphémère., les œuvres sont désormais pérennes, monumentales, inscrites dans l’espace public comme privé de façon raisonnée et technique. En témoigne le musée à ciel ouvert dans le 13e arrondissement où chaque pan de mur est une fascination.

Zabala, Verde, huile sur lin, 180x142cm (Galerie Hitchikian / Quai 36)

Une histoire de support – la frontière poreuse entre art urbain et art classique

Tout dépend de l’artiste. Si celui-ci a pour habitude de réaliser ses œuvres en extérieur sur des pans de mur entier avec une technique de peinture murale, de pochoir ou de collage, il sera alors considéré comme un artiste urbain. Je me posai cette question alors que je m’étais arrêté sur le stand de la Galerie Hatchikian / Quai 36 pour saluer les galeristes Audrey Hatchikian et Julia Freydman. Je tombe en arrêt devant une œuvre de Zabala, jeune artiste qui s’est formé aux Beaux-Arts de Bilbao et qui s’est exprimé, d’abord, à travers le graffiti et la fresque. La rencontre de ces deux mondes, le street art et celui plus commun de l’œuvre accrochée, a engagé l’artiste dans une réalisation hybride où le geste du street artiste rencontre celui plus technique du peintre classique. Ses œuvres témoignent donc de la frontière poreuse qui peut exister entre l’art dit classique et l’art urbain. Zabala nous a envoûté avec des peintures où les éléments se déchaînent avec réalisme et abstraction. La galeriste Audrey Hatchikian est de ces galeristes qui ont la passion de leurs artistes et qui ont la profonde envie de les accompagner et de les protéger.

Tout à côté, nous visitons le solo show d’Andrey Berger dont l’œuvre explore la matière et l’urbanité possible d’une œuvre picturale et plastique. Ses peintures ont un corps. L’on voit la texture en relief et l’impression de toucher une peau de pierre. Andrey Berger semble capter la matière de nos villes et ses strates. Il les retranscrit avec une certaine violence dans ses œuvres.

Les grands noms

Jef-Aerosol_Jump_Acrylique-Aerosol-et-pochoirs-sur-carton_120_100_2020_Galerie-Mathgoth

Un salon d’art urbain ne se ferait pas sans les figures tutélaires du street art. La galerie David Pluskwa et la Galerie Mathgoth offre à notre regard les œuvres de Jef Aérosol que nous pouvons toujours admirer, ad vitam spero, place Stravinsky à Paris, et du graffeur et peintre américain JonOne dont une œuvre est visible dans le 18e arrondissement.

Ce fut aussi un hommage à une des grandes figures du street art français qui nous a quitté l’année dernière. La galerie lilloise Art to Be Gallery présente Miss Tic et ses œuvres féministes à l’humour cynique initialement présentées sur les murs de Ménilmontant, de Montmartre, du Marais ou de la Butte-aux-Cailles. Considérée comme une vandale dans les années 90, Miss Tic est peu à peu devenue une des street-artist les plus reconnues de la scène française.

Toujours chez Art to Be Gallery, les œuvres d’Ernest Pignon-Ernest tranchent par son style classique rappelant la peinture italienne de la Renaissance. Considéré comme l’un des précurseurs de l’art urbain en France, Ernest Pignon-Ernest s’empare de la rue et réalise des peintures monumentales qui convoquent le passé pour mieux dire le présent. Ses œuvres sont une douce révolte.

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Urban Art Fair permet à un art de s’affirmer toujours davantage et de témoigner de sa vitalité et de son dynamisme. Ce salon s’affranchit des autres salons d’art et propose des artistes à découvrir absolument. Je ne suis pas un grand connaisseur d’art urbain, mais toutes ces galeries m’invitent à le devenir.

Illustration : Miss Tic, Le Temps est-il un crime parfait ?, aérosol sur toile, 50x80cm (Art to Be Gallery)