À l’occasion de la sortie de son premier long métrage, Le rendez-vous de l’été, Valentine Cadic nous parle de la genèse du projet, de son travail avec les comédiens, du tournage atypique qu’ils ont vécu dans la folie estivale des Jeux Olympiques, et de cette héroïne discrète et solitaire que la réalisatrice filme avec une tendresse rare, dans un Paris saisi entre deux temporalités, entre l’insouciance des vacances et l’effervescence de l’événement sportif.

Ton cinéma s’ancre souvent dans des lieux ou des contextes très marqués (Omaha Beach, Les grandes vacances, Le rendez-vous de l’été). Qu’est-ce qui t’a poussé à choisir les Jeux olympiques comme toile de fond pour ce film ?

L’idée est venue d’une discussion avec l’un des producteurs, qui avait vu mes courts métrages. C’est lui qui m’a proposé de faire un film pendant les Jeux. Au départ, je ne connaissais pas grand-chose à cet événement : je n’ai pas de sportifs dans mon entourage, donc ce n’était pas du tout un univers familier. Mais peu à peu, je me suis renseignée, j’ai essayé de comprendre ce que ça allait être, et une histoire de fiction est née à partir de ça. Cela dit, le film n’est pas « sur » les Jeux olympiques. Ce qui m’intéressait, c’était plutôt de voir comment un événement de cette ampleur pouvait affecter les personnages, chacun à sa manière, de façon très différente.

Dans Le rendez-vous de l’été, on retrouve à la fois Blandine Madec, avec qui tu avais déjà travaillé pour Les grandes vacances, et la nageuse Béryl Gastaldello, qui tient un petit rôle dans ce nouveau film. Est-ce qu’elles faisaient partie du projet dès les premières étapes, ou est-ce un choix qui s’est imposé plus tard dans l’écriture ?

Dès le début de l’écriture, je savais que je voulais retravailler avec Blandine. J’ai tout de suite imaginé qu’elle jouerait le rôle principal de ce film-là.

J’ai découvert Béryl sur les réseaux sociaux. Mariette Désert, ma co-scénariste, avait repéré son profil. Nous avons toutes les deux été frappées par ses prises de parole sur la santé mentale dans le milieu du sport. Ce qui nous a particulièrement intéressées, c’est qu’elle l’a fait très jeune, en plein milieu de sa carrière. D’habitude, les sportifs abordent ces sujets plutôt à la fin de leur parcours. Chez Béryl, il y avait quelque chose de très fort, de très direct. On l’a rencontrée, et elle a rapidement été d’un soutien précieux. Elle a été présente dès le début de l’écriture. C’est quelqu’un de vraiment généreux.

“Le tournage nous a confronté à la réalité des lieux, des gens, de l’événement, et ça a été une nouvelle forme d’écriture du film.”

Ta mise en scène semble très attentive à l’espace vide, à l’hors-champ. On sent aussi une préférence pour le champ-contrechamp, qui isole souvent les personnages dans leur point de vue. Est-ce une construction délibérée ? Une manière de faire émerger quelque chose de plus nuancé dans le jeu des acteurs ?

Pas vraiment, non. Il y a beaucoup de champ-contrechamp dans le film, mais ce n’était pas une intention forte dès le départ. À l’origine, j’imaginais plutôt des plans-séquences, des prises plus larges. Mais comme on tournait beaucoup en extérieur, il était souvent compliqué de garder des plans ouverts : il y avait tout le temps du monde autour, ce qui parasitait un peu le cadre. Le champ-contrechamp s’est un peu imposé à nous au tournage, surtout dans les scènes avec de la foule. Parfois c’était un vrai choix, mais la plupart du temps, c’était une solution pratique plus qu’un parti pris esthétique.

Certaines scènes sont tournées au milieu de la ville, au cœur du réel. Comment as-tu abordé ces moments ? Les passants savaient-ils qu’ils étaient filmés ? As-tu eu des surprises ou des réactions inattendues ?

On a eu un peu toutes les configurations. Mais dans l’ensemble, nous demandions toujours les autorisations, et nous faisions signer des droits à l’image. Au générique, il y a une longue liste de noms : ce sont tous les gens qui ont accepté d’apparaître à l’image. Parfois on demandait avant, parfois après le tournage d’une scène. Il y avait aussi des gens qui ne voulaient pas être filmés — on prenait note de leurs visages, et on les retirait au montage. C’était un vrai travail d’adaptation.

Tu as déjà été comparée à Guillaume Brac, Rohmer, Rozier… Est-ce que ce sont des filiations conscientes ? Que prends-tu chez eux, et qu’en rejettes-tu ?

Guillaume Brac a été mon professeur à Paris 8, dans un cours d’écriture où j’ai d’ailleurs écrit mon tout premier court métrage. Il a donc été une influence assez directe, et j’aime beaucoup son cinéma. Rohmer aussi, certains de ses films m’ont marquée, même si je n’ai pas vu l’intégralité de son œuvre, et qu’il y en a que j’aime moins. Le Rayon vert, notamment, m’a vraiment touchée, pour la manière dont le personnage principal est écrit, sa singularité, sa solitude. Mais il y a surtout des réalisatrices qui ont été très importantes pour moi, que ce soit en tant que cinéaste ou simple spectatrice : Claire Simon, Agnès Varda, Chantal Akerman… Ce sont des cinéastes qui m’ont profondément marquée. Ce sont des références qui comptent, oui, même si je ne pourrais pas en désigner une seule comme la plus décisive.

Tu parles de ce personnage du film Le Rayon ve...