Daphne Du Maurier : Un élégant manoir hanté - Zone Critique
Un élégant manoir hanté
Daphne Du Maurier
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Publié en 1938, Rebecca de Daphne du Maurier met en scène un couple glamour dans une maison au faste aussi intimidant que vétuste – rien n’a bougé depuis la mort de l’ancienne maîtresse des lieux. Roman le plus célèbre de l’autrice britannique, ce livre est un must-read depuis sa parution originale, et son adaptation par Alfred Hitchcock a achevé de le rendre culte. 

Le résumé

La jeune narratrice épouse peu après l’ouverture du livre Maxim de Winter, rencontré sur la Côte d’Azur. Plus âgé qu’elle, il est veuf et l’emporte dans sa magistrale demeure de Manderley, en Angleterre, régie par la glaçante Mrs Danvers, restée très attachée à la défunte Rebecca. La nouvelle Mrs de Winter doit composer avec Mrs Danvers et les autres proches de l’héroïne in absentia du roman, découvrant peu à peu les secrets que cache Manderley. 

Pourquoi on aime
1Pour la narratrice ingénue qui parvient finalement à ses fins malgré son manque de caractère.
2Pour l’atmosphère inimitable et capiteuse de Manderley, devenue une sorte de musée aussi opulent que poussiéreux décrit avec force détails par l’autrice.
3Pour le mystère qui imprègne les pages, les alourdit peu à peu jusqu’à ce que tout se dévoile.
L'extrait

« J’ai rêvé la nuit dernière que je retournais à Manderley. Je me tenais près de la grille qui donnait sur l’allée, mais impossible d’entrer : le portail était fermé par un cadenas et une chaîne. J’appelais le gardien. Personne ne répondait. Regardant mieux entre les barreaux rouillés, je vis que le pavillon était inhabité. 

Aucune fumée ne sortait de la cheminée, et les petites fenêtres à carreaux losangés étaient ouvertes, abandonnées. À ce moment-là, comme il arrive dans les rêves, je me trouvais soudain investie de pouvoirs surnaturels et traversais tel un esprit la grille qui me bouchait le passage. L’allée serpentait devant moi avec ses méandres habituels, mais à mesure que je progressais, je m’avisais d’un changement : étroite et mal entretenue, ce n’était plus l’allée que nous avions connue. D’abord déconcertée, je ne comprenais pas, et ce n’est qu’en penchant la tête pour éviter une branche basse que je m’aperçus de ce qui s’était passé. La nature avait repris ses droits et, petit à petit, à sa manière furtive et insidieuse, elle avait gagné sur l’allée en étendant ses longs doigts opiniâtres. Les bois, toujours menaçants, même autrefois, avaient fini par triompher. Les arbres se pressaient, sombres et sans discipline, jusqu’aux bords de l’allée. Serrés les uns contre les autres, hêtres aux membres blancs et nus mêlaient leurs branches en un étrange enlacement, formant au-dessus de ma tête comme une voûte d’église. Et il y avait d’autres arbres encore, des arbres qui ne m’évoquaient rien, des chênes trapus et des ormes torturés qui frayaient intimement avec leurs devanciers : ils avaient surgi de terre aux côtés de gigantesques buissons et d’énormes végétaux, dont je n’avais pas davantage souvenir. »

(traduction d’Anouk Neuhoff)

Un article par Cécile Péronnet, le 20 juin 2024
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Après des études concentrées sur l’Amérique et le Royaume-Uni, sur leurs mots et sur leurs histoires – avec ou sans majuscule –, Cécile Péronnet navigue désormais entre édition, traduction et critique littéraire, particulièrement sensible aux lettres d’ailleurs.

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