Un artiste de la faim est une nouvelle publiée par Franz Kafka en 1924, deux mois avant sa mort. Avant de devenir un écrivain à la postérité considérable, Kafka était un employé austro-hongrois d’une compagnie d’assurance.
Un jeûneur professionnel se laisse mourir dans un cirque dans une indifférence généralisée.
L’intérêt que l’on porte aux jeûneurs professionnels a beaucoup baissé au cours des dernières décennies. Alors qu’il était avantageux autrefois d’organiser pour son propre compte des spectacles de cette nature, cela est devenu aujourd’hui tout à fait impossible. C’étaient d’autres temps.
À cette époque, toute la ville s’occupait du jeûneur; l’intérêt croissait de jour de jeûne en jour de jeûne ; chacun voulait voir le jeûneur au moins une fois par jour ; vers la fin, il y avait des abonnés qui restaient toute la journée assis devant la petite cage grillagée; même la nuit, on organisait des visites qui, pour rehausser le spectacle, avaient lieu aux flambeaux ; quand le temps était beau, on portait la cage dehors et c’était alors surtout aux enfants qu’on allait montrer le jeûneur ; alors que ce n’était souvent pour les grandes personnes qu’un amusement, auquel elles participaient parce que c’était la mode, les enfants regardaient avec étonnement, la bouche ouverte et, pour plus de sûreté, en se tenant par la main, cet homme blême, en maillot noir, les côtes saillantes, couché sur une litière de paille, parce qu’il dédaignait même d’utiliser une chaise, tantôt hochant la tête avec politesse ou répondant avec un sourire forcé aux questions qu’on lui posait ou encore passant le bras à travers la grille pour qu’on puisse tâter sa maigreur, tantôt aussi s’abîmait à nouveau en lui-même, ne s’inquiétait plus de personne, ne prêtait même plus attention à la sonnerie, pourtant si importante pour lui, de la pendule, qui constituait tout le mobilier de sa cage; il regardait alors devant lui, les yeux presque clos et portant de temps pour à autre à sa bouche un minuscule verre d’eau s’humecter les lèvres.
Franz Kafka (1883-1924) est un écrivain austro-hongrois a transformé l’angoisse en prose et les rêves en labyrinthes. Kafka a laissé un héritage littéraire qui montre l’étrangeté du monde. De La Métamorphose, où un homme se réveille en cafard au Procès, où la justice semble être partie en vacances permanentes, Kafka a exploré l’absurde avec une plume qui invite le lecteur à danser sur le fil ténu entre la réalité et le cauchemar.
Doctorant en littérature, Pierre Poligone aime écrire sur les âmes insurgées. Il donne parfois des cours à l’université et co-dirige la revue Zone Critique depuis bientôt 10 ans.
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