La première fois que je me suis mise à la course, ça a été pour un homme. Il était marathonien, et pour lui plaire, je lui ai littéralement couru après. Mon manège a fonctionné, et nous nous sommes aimés. Ça a duré un temps, et puis il m’a quittée, un soir de juin.

J’ai arrêté de courir après lui, j’ai arrêté de courir tout court, jusqu’au suivant. 

C’est faux en fait. Je n’ai plus couru après personne depuis cet homme. Non. C’est tout le contraire. J’ai continué de courir, mais pour fuir. Pour fuir les hommes, et la maladie de l’amour. 

C’est toujours la même chose. Au début, je plane. Nouveau mec, nouvelle rencontre, ça semble différent, pour une fois. On se voit, on a l’impression de se reconnaître, de se découvrir dans un nouveau regard, c’est bien. C’est bon, ça semble presque suffisant à tout le reste.  

Et puis très vite, ça prend la même tournure. On s’emmerde ou on s’engueule. Parfois les deux en même temps. Même quand on s’applique à ne pas reproduire des schémas, quand on essaie d’être un peu originaux, on en revient vite au même point.

C’est quand je commence à ne plus les supporter, que j’enfile mes baskets. Au moment où je pense à les quitter, que je réinstalle une appli, et que je pars courir. 

À force, je sais déjà que c’est un peu fini, quand je recommence une course. Mais peut-être aussi parce que j’y crois encore. Parce qu’il me reste un fond d’espoir, je me dis que c’est juste un temps pour moi, une meilleure manière de revenir. Et je pars courir quand même. 

Je fais toujours le même trajet : le tour des buttes Chaumont, par l’extérieur. Entre deux et cinq fois. Et toujours dans le même sens. Je ne veux pas avoir à réfléchir au trajet que je vais prendre, j’ai d’autres choses à réfléchir. C’est peut-être ça le problème, d’ailleurs. Il faudrait que j’y pense. 

Je sors de chez moi, et je prends par la gauche. 500 mètres et j’y suis. La longue descente en premier, pour m’échauffer et sentir le bitume sous mes pieds, l’impact que cela créer dans mon corps. Les vibrations qui retentissent. 

Toujours je commence par la pente la plus douce. J’ai essayé une fois l’inverse, et j’ai dû faire demi-tour. 

Je ne pense qu’à ça : cet instant-là. Aux premiers kilomètres que j’avale sans m’en rendre compte. J’oublie presque les raisons de ma sortie. Le début de la course, c’est ...