Le 15 mai 2024 paraissait Jusqu’ici tout va bien mal, le dernier ouvrage de Louise Aubery, aux éditions Harper Collins. Influenceuse, podcasteuse, entrepreneuse à la tête de Je ne sais quoi, sa marque de lingerie inclusive, Louise Aubery s’est fait connaître sur Instagram sous le pseudo @mybetterself. Un pseudo auquel elle a récemment renoncé, preuve du recul dont elle fait désormais preuve face à l’idée de devenir « la meilleure version de soi-même ». Ce recul, accompagné d’une défiance envers le développement personnel, sont au cœur de son nouvel ouvrage, tant et si bien qu’elle s’étonnait en story de le voir exposé en tête de gondole du rayon « développement personnel » de la Fnac. Car comment définir sa parole d’ influenceuse ? Louise Aubery a-t-elle définitivement dit adieu au développement personnel ?
La première phrase du livre annonce la couleur : « ce livre n’est pas un livre de développement personnel ». Suite à un violent constat : « La leçon durement apprise : le bonheur n’est pas une question de volonté. Ce n’était pas parce que je voulais être heureuse que je pouvais l’être », Louise Aubery s’est lancée dans ce qu’elle appelle « son humble (en)quête du bonheur », souhaitant inviter le lecteur à se poser des questions, là où, dit-elle, le développement personnel propose des solutions.
Sujette à des maux de santé mentale, elle a dû recourir à un traitement médicamenteux, non sans avoir auparavant épuisé (entre autres) les séances d’hypnothérapie, de méditation, d’hypnose, de magnétisme et les affirmations, sans résultat. Le bonheur n’est-il donc rien d’autre qu’un équilibre chimique ? Elle fustige en tout cas le développement personnel, et son affirmation presque dangereuse du « quand on veut, on peut ».
« Le développement personnel se charge de vous fournir toutes les méthodes nécessaires — moyennant finance, bien entendu. Il se nourrit donc dans la main du libéralisme ; il n’existe que par lui et pour lui et s’appuie sur la dangereuse confusion entre réussite et bonheur »
Après une (brève) histoire de la notion de bonheur, de la Grèce antique à la fin de la religion, s’ensuit une déconstruction du mythe de la réussite, partant du postulat que le bonheur en dépend. Louise Aubery analyse tout ce que l’idée de « girl boss » comporte de toxique, puis les différences homme/femme, et constate que les hommes échappent à cet impératif de perfectionnisme, du fait des assignations de genre — à savoir, pour une femme : être mince, douce, souriante, belle…Tout est rapidement et correctement évoqué, dans une liste à la Prévert rapidement articulée, chargée d’expliquer l’impossibilité du bonheur aujourd’hui et du poids qui repose sur les épaules de l’individu, en charge désormais de son propre épanouissement.
Louise Aubery déconstruit ensuite chaque affirmation du développement personnel, du « quand on veut, on peut » au « tes pensées créent ta réalité », idée d’où découle la tendance aux affirmations positives qui déferle sur les réseaux.
Toutefois, si la réflexion, bien menée, permet d’introduire des notions de réflexions auprès d’un jeune public, elle est par moments un peu rapide, voire superficielle… Exemple :
« La religion avait l’avantage de proposer un code de conduite ; on connaissait la marche à suivre si on souhaitait accéder au paradis. Les règles étaient les mêmes pour tout le monde ; on pouvait donc parler d’un bonheur absolu et non relatif (…) l’accession au bonheur dépendait du nombre de « bons points » remportés au cours de l’existence sur Terre ». Réduire la religion à des « bons points » à accumuler pour pouvoir accéder au Paradis, promesse de bonheur après la mort, omet la question de la morale et des valeurs, qui inscrivent l’individu dans quelque chose de plus grand que lui et maintiennent l’ordre de la société.
En proposant cette lecture raccourcie de la religion, il me semble que Louise Aubery, pour reprendre les mots d’un romancier adepte du développement personnel, Laurent Gournelle, se moque des effets dont elle chérit les causes. Elle réduit en effet l’existence à la quête de son propre bonheur individuel, sans envisager qu’au-delà d’une pratique religieuse, il puisse y avoir un système de valeurs morales qui élèvent l’individu pour le faire sortir de sa condition.
Ceci n’est pas une pipe
L’objet proposé par Louise Aubery est donc inclassable. Partant d’une anecdote personnelle qui l’a amenée à un constat et étayant sa réflexion de conseils adressés à ses lecteurs, elle reprend les codes du développement personnel qu’elle fustige. L’exercice est périlleux : déconstruire le mythe volontariste du développement personnel, sans laisser tomber ses lecteurs qui comptent sur elle pour bénéficier de son expérience.
La quatrième de couverture indique en effet ceci : « À seulement vingt-six ans, Louise Aubery, plus connue sous le pseudonyme de @MyBetterSelf, est l’une des créatrices de contenus et entrepreneuses les plus influentes de sa génération. Elle est aujourd’hui suivie par plus d’un million de personnes sur ses différentes plateformes. Que ce soit à travers ses réseaux sociaux, son podcast ou ses livres, elle s’est fixé une mission : aider son audience à prendre le pouvoir sur sa vie. Après un premier succès litté...