Alors que le Mad Max originel (1979) accompagne les premières prises de conscience environnementales, Mad Max Fury Road (2015) rassemble un public davantage familier des réjouissants débats sur le réchauffement climatique, le déclin de la biodiversité et l’épuisement des énergies fossiles. Apocalypse pas si lointaine, cet opus ne peut plus inventer le futur, mais redessine nos imaginaires de fin du monde, entre crise de la fertilité, de la communauté et de la vie même. Le tout sous un soleil ambivalent des plus symboliques…

À l’instar de Star Wars, l’univers Mad Max repose sur une mythologie simple et efficace. Dans un désert sans fin nommé Les Terres Dévastées (Wasteland), Immortan Joe, le roi du pétrole, sème la terreur avec ses War Boys, gamins dégénérés prêts à se sacrifier à la moindre occasion pour atteindre le paradis promis par leur chef. En plus de tyranniser sa population privée de ressources, Immortan Joe entretient des liens économiques avec d’autres groupes locaux des plus sympathiques, entre mercenaires à motocross, ferrailleurs cupides et vendeurs de balles. Capturé par des War Boys, le baroudeur Max bouscule l’harmonie précaire de ce monde en se liant à Furiosa, une rebelle taciturne. Ensemble, ils tentent de délivrer les dernières femmes saines des Terres, dans une course-poursuite délirante entre les dunes.
En tournant dans le plus vieux désert du monde, celui de Namibie, George Miller se targue d’avoir réalisé un blockbuster à l’ancienne, en limitant l’utilisation de fonds verts au profit d’artifices artisanaux et – on peut le supposer – en faisant réellement suer ses interprètes. À l’écran, le résultat demeure dix ans plus tard toujours aussi spectaculaire, jouissif et pertinent, notamment si on examine les fondations de cette mythologie désertique.
Décomposition en cours
En 2025, impossible de ne pas voir le soleil brûlant les Terres Dévastées comme le symbole d’une nature épuisée par les humains. Incapables de prendre soin de la Terre qu’ils détruisent en toute connaissance de cause, ils doivent subir sa vengeance incarnée par ce soleil meurtrier. Nulle plante ne pousse, nul animal ne gambade, les humains représentent la dernière forme de vie. « Forme » est bien le mot, à la vue de ce qui reste de l’espèce humaine. Branchés sous respirateur, atteint d’étranges tumeurs malignes ou de déformations physiques en tout genre, les hommes font peine à voir. Aussi, pour s’assurer une descendance à peu près saine, Immortan Joe garde captives une dizaine de femmes miraculeusement en bonne santé. L’une d’elle résume le cycle inversé qui règne dans ce monde en rappelant qu’une fois une graine plantée, il n’y a que la mort qui pousse. Le soleil, emblème de cette nature malade, corrompt. Et quand le corps tient la route, c’est l’esprit qui déraille. La colorimétrie orangée, couleur de la folie, envahit naturellement l’espace.
“La canicule simplifie les corps, devenus affaiblis, les esprits, étriqués, ainsi que les rapports sociaux, dénués de toute complexité.”
Dans cette logique de déshumanisation, la nature humaine devient animale. Les décors désertiques ne sont pas le terrain du néant,...