
Partir pour survivre
Le retour de Saturne est de ces romans qu’on emporte avec soi les mauvais jours. Dans un grand sac, les souvenirs d’un mois d’août, le sucre d’une glace à la vanille et puis, les mots de Daphné Tamage. Tout à coup le jour est bon.
Tout à coup le jour est bon.
Parce que lire ce roman, c’est comprendre qu’on n’est jamais seule face aux ricochets de la solitude et des échecs amoureux, face à l’acidité de l’époque dans laquelle un homme remplace un homme qui lui aussi n’a pas fait bien, tant pis. L’autrice a la douceur de celles à qui la vie est vraiment arrivée. Dans Le retour de Saturne, elle raconte Apolline, une jeune femme dont la poitrine n’est plus bonne qu’à pomper du sang, cabossée par des amours qui l’ont laissée exsangue. Avec une langue assurée, elle nous emmène vers ce bilan que l’on finit par faire un jour. Soi avec soi, la boue d’avant et une plaine où tout reste à écrire. Loin du monde.
« Pourquoi étions-nous infoutus, en amour, de savoir que nous nous en sortirions ? »
Le roman souffle sur les plaies encore humides, il dit que ça va passer, que ce ne sera pas si grave, tu verras. Il explique que la souffrance amoureuse est cette chose ambivalente, si intime et pourtant universelle. L’histoire d’amour mémorable avec ce type-là a déjà été vécue, jouie, pleurée par une autre femme. Tout ira.
« L’idée qu’on se fait des hommes est toujours supérieure aux hommes eux-mêmes. C’est cela, et cela uniquement qui fait souffrir les femmes. »
Le vide prescrit
L’isolement d’Apolline est une prescription médicale : plus d’hommes, plus de relations, le silence autour du coeur (qu’on s’entende enfin penser !). Ce « break » loin de chez elle n’a rien d’un caprice ou d’une lubie new age. C’est un médicament. Et Daphné Tamage en fait un geste politique : ne plus se rendre disponible pour les hommes, le devenir pour elle-même.
Et Daphné Tamage en fait un geste politique : ne plus se rendre disponible pour les hommes, le devenir pour elle-même.
La quête d’Apolline n’est cependant pas de vivre recluse jusqu’à la fin de ses jours. Elle est là pour passer au peigne fin le souvenir de ceux qui l’ont marquée afin de désenchanter le mauvais sort. Trouver le dénominateur commun de sa malchance affective. Et en sortir.
Daphné Tamage parle d’amour bien sûr, mais aussi de dépendance affective, d’hommes qui font du mal, de choses qu’on accepte sans trop comprendre pourquoi, de ces petits morceaux de nous qu’on laisse ailleurs et ...