Magritte, la trahison des images, jusqu'au 23 janvier au Centre Georges Pompidou
Magritte, la trahison des images, jusqu’au 23 janvier au Centre Georges Pompidou

Jusqu’au 23 janvier 2017, le Centre Pompidou nous offre au travers de l’exposition « Magritte, la trahison des images » un regard nouveau sur cet artiste phare du mouvement surréaliste belge. En échappant à la facilité d’une rétrospective, Didier Ottinger, commissaire de l’exposition, a pris le parti d’aborder l’oeuvre de René Magritte par le prisme de sa passion pour la philosophie.

Le Principe d'Incertitude, Magritte
Le Principe d’Incertitude, Magritte

Omniprésente chez Magritte, la philosophie transparaît essentiellement dans son rapport avec le concept de réalité et sa représentation. Rien de surprenant de la part de l’artiste, au sens large du terme, dont la tâche réside dans l’imitation de la nature. Cependant, il est nécessaire de s’entendre sur une définition de la réalité et de la vérité de l’image.

Magritte attache une importance particulière à l’Allégorie de la Caverne de Platon en ce qu’elle pose la question de l’accession à la réalité. En effet, des hommes immobilisés ne voient que les ombres des objets projetés devant eux mais pas l’objet directement. Dans sa série « La Condition Humaine », l’artiste belge représente au premier degré cette allégorie et les éléments essentiels sont présents figurativement : le feu, la caverne, et le tableau mis en abyme représentant la réalité. Il en va de même dans « Le Principe d’Incertitude » où l’ombre projetée sur le mur n’est pas celle de la femme mais d’un oiseau, référence ouverte aux figures de la caverne qui ne sont que des ombres et non la réalité.

Un autre entendement de la peinture transparaît alors, ce n’est plus celle classique de l’imitation de la nature et du réel, mais peindre une ressemblance plus que l’objet en lui-même. La peinture devient une vision qui fait voir la pensée plus que l’image au sens littéral de l’imitation de la réalité : « Ressembler, c’est un acte qui n’appartient qu’à la pensée ». La peinture n’est plus le reflet du monde ni même une manière de la voir, la réalité de l’image dans sa représentation de la réalité passe par le biais de la pensée.

Le mot et l’image

Plus trivialement, ce questionnement de la représentation de la nature passe aussi par le rapport entre les mots et l’image dans l’oeuvre de Magritte. Son tableau emblématique « La Trahison des Images », confrontant une pipe et les mots « ceci n’est pas une pipe » questionne le spectateur sur la vérité de la représentation picturale.

Michel Foucault, dans son petit ouvrage « Ceci n’est pas une pipe », conceptualise ce rapport entre les mots et l’image. Selon lui, les titres des tableaux ne sont pas des explications et les tableaux ne sont pas des illustrations des titres. Le texte ne retient des objets que certaines de leurs caractéristiques habituellement ignorées par la conscience, mais parfois présentées à l’occasion d’événements extraordinaires que la raison n’est pas encore parvenue à élucider. Le philosophe livre son interprétation éclairée de « La Trahison des images » en ces mots : « Rien de tout cela n’est une pipe ; mais un texte qui simule un texte ; un dessin d’une pipe qui simule un dessin d’une pipe ; une pipe (dessinée comme n’étant pas un dessin) qui est le simulacre d’une pipe (dessinée à la manière d’une pipe qui ne serait pas elle-même un dessin) ». Tout cela résume parfaitement le paradoxe entre le mot et l’image dans la représentation.

La Condition Humaine, Magritte
La Condition Humaine, Magritte

Simultanément à cette « Trahison des Images », Magritte nous livre un mini traité illustré dans lequel il insiste sur le caractère interchangeable des modalités de la représentation. Ce qui importe est qu’une image peut prendre la place d’un mot dans une proposition et parfois le nom d’un objet tient lieu d’une image. Ainsi Magritte lui-même conceptualise son oeuvre et offre au spectateur plusieurs niveaux de lecture à ces images connues du grand public.

  • René Magritte, La trahison des images, exposition du 21 septembre 2016 jusqu’au 23 janvier 2017 au Centre Georges Pompidou, Paris.