Michel Tremblay, grand romancier et surtout dramaturge, naît en 1942 dans un Québec éclaboussé par la guerre et qui comporte son lot de pauvreté et d’injustices. Son enfance modeste mais toutefois très heureuse dans un milieu principalement féminin va l’inspirer jusqu’à se retrouver au centre de toute son œuvre.
Une page d’Histoire
Cela dit, pour bien comprendre l’ampleur du phénomène, il faut certainement connaitre les grandes lignes du contexte artistique et sociopolitique de l’époque d’après guerre. La société d’alors, majoritairement francophone et ouvrière, est dominée par la morale contraignante de l’Eglise catholique ainsi que par une mince élite anglophone et bourgeoise. Même l’art théâtral est alors soumis à plusieurs critères basés sur les principes des classiques français conformes aux valeurs élitistes et catholiques qui règnent partout en Occident. Il faut comprendre que le Québec s’identifie encore beaucoup à la mère patrie et à ses origines, soient la France et la religion catholique. Les citoyens vivent modestement dans leurs quartiers ouvriers, et ont peu accès à la culture artistique qui constitue un divertissement réservé à une infime partie de la population.
Mais vers 1960, c’est le début de la période que l’on appelle « Révolution tranquille ». Cette décennie est marquée par la montée du sentiment d’identité québécoise, le Nationalisme Québécois. Des hommes et des femmes politiques, des intellectuels, créateurs, artistes, partagent leur vision et l’idée qu’ils ont d’un Québec moderne, contribuant ainsi à son émancipation. De grands changements se produisent à tous les niveaux. Etablissement de nouvelles structures et institutions, refus de l’Eglise, amélioration de la condition des femmes et des homosexuels, avancées et découvertes sociales et politiques mais aussi culturelles …
C’est donc en s’inscrivant dans un courant de transparence que Tremblay ainsi que quelques autres dramaturges (autant des hommes que des femmes) brisent ces grands principes qui régissent depuis toujours le théâtre canadien-français. C’est la démocratisation de l’art, la défense de la langue française, la culture rendue plus accessible et populaire et même son exportation. Tous les domaines bouillonnent : la chanson, la littérature, le cinéma, etc. Au théâtre, on assiste à la création de personnages proches des Québécois, qui leurs ressemblent et auxquels ils peuvent s’identifier.
C’est la démocratisation de l’art, la défense de la langue française, la culture rendue plus accessible.
Ce que Michel Tremblay dépeint dans ses pièces est d’ailleurs si fidèle à la réalité de l’époque qu’il contribue largement à cette prise de conscience collective.
Son oeuvre
Son impact est énorme. Il imagine des personnages authentiques, fidèles aux gens qu’il rencontre au fil de sa vie. Femmes, familles typées, travestis, schizophrènes, homosexuels, tous y sont dépeints. Tremblay est le premier dramaturge qui intègre le dialecte québécois « joual » dans ses pièces ainsi qu’un humour basé sur le grotesque et la caricature, chose qui était peu répandue dans la dramaturgie québécoise de l’époque. Le « joual » est un dérivé de la langue française, une adaptation tout à fait québécoise de celle-ci. Son utilisation au théâtre et dans la littérature est très controversée au début et fait face à de nombreux adversaires soucieux du « bien parler » du théâtre classique français.
Les belles-soeurs
La pièce qui a fait connaître Tremblay au début de sa carrière dans les années 60 est définitivement « Les Belles-sœurs », présentée pour la première fois en août 1968 à Montréal. L’histoire se tient au milieu d’une cuisine québécoise de l’époque, où des belles-sœurs se racontent leurs misères, leurs malheurs et leurs rêves au cours d’une soirée. C’est la première fois que l’on rencontre de si vrais sujets, abordés si simplement. A lire, cette critique de la pièce parue dans le quotidien Le Devoir en 1968.
Catherine Dumas