Après avoir longuement fait attendre ses lecteurs, Khaled Hosseini leur offre, avec Ainsi résonne l’écho infini des montagnes, plusieurs romans en un. Le narrateur n’a rien perdu de sa virtuosité, mais le voyage qu’il nous propose est un peu déroutant.
On avait quitté Khaled Hosseini en 2007 sur le huis clos poignant de Mille Soleils splendides, concentrant dans une bicoque de Kaboul toute la violence, l’héroïsme et le fanatisme dont sont capables les hommes. Sept ans plus tard, son nouveau roman prend le large, s’arrachant du Kaboul des années 50 pour nous entraîner dans un tour du monde surprenant. Les échos des montagnes afghanes ricochent à travers cinq décennies et résonnent de Paris à l’île grecque de Tinos pour s’achever à San Francisco. Une chansonnette en farsi – « Je connais une triste petite fée, à l’ombre d’un arbre en papier, que le vent un soir a soufflée » et quelques plumes d’oiseaux gardées comme des trésors constituent les principaux fils conducteurs de ce roman foisonnant, souvent bouleversant mais parfois décousu.
En automne 1952, à Shadbagh, un villageois veuf emmène à Kaboul ses deux enfants, Abdullah et Pari. Le jeune garçon de 10 ans reviendra de ce voyage meurtri à jamais. Quant à la fillette d’à peine trois ans, elle ne reverra jamais son village. Trop jeune pour se souvenir de cette déchirure, Pari, dont le prénom signifie « fée » en farsi, ressentira pourtant cette fêlure sa vie durant, jusqu’à ce qu’un enchaînement de hasards traverse les années et les continents pour en élucider son secret.
Khaled Hosseini jalonne chaque étape d’une kyrielle de personnages au destin marquant. Nabi, un serviteur devenu maître de son maître, Nila, une poétesse exilée, altière et déchue, Thalia, une gamine défigurée, recluse mais connectée au monde…Ces héros et des dizaines d’autres mériteraient souvent un roman à eux seuls tant leurs amours, leurs déchirures, leurs culpabilités et leur rédemption étonnent et émeuvent. « Je sais maintenant que certaines personnes sont malheureuses comme d’autres sont amoureuses : secrètement, intensément, irrémédiablement ».
Khaled Hosseini jalonne chaque étape d’une kyrielle de personnages au destin marquant
L’auteur n’a rien perdu de son talent. Le phrasé est limpide, les personnages qui prennent corps sous sa plume s’inscrivent durablement dans l’imaginaire du lecteur et quelques pages suffisent à restituer une époque, un contexte. A l’inénarrable description de Kaboul après les bombardements, « les écoles détruites par les obus, les squatteurs dans les bâtiments sans toit, les mendiants, la boue, l’électricité capricieuse, » l’auteur résume : « Autant décrire une musique ». Il ne peut donner vie à ces images.
Son récit nous fait entrer de plain-pied dans le palace kitch d’un narcotrafiquant, dans le dénuement mortifère d’un hôpital indien ou dans une gargote californienne. L’auteur alterne narration classique, lettre-confession fleuve et remarquable fac-similé d’articles. Les personnages se croisent, ressurgissent ou se perdent, au risque d’égarer le lecteur et de diluer le récit. L’émotion est pourtant intacte lorsque l’écho, à force de résonner, arrive à bon port et s’éteint dans la tendresse et la paix.
- Ainsi résonne l’écho infini des montagnes de Khaled Hosseini, Belfond, 330 pages, 15,99 €, novembre 2013.
Séverine Osché