Antoine Mouton, avec la complicité des éditions La Contre Allée, offre une deuxième naissance à l’un de ses premiers textes : Au nord tes parents (La Dragonne, 2004). Quelque vingt années après avoir reçu le Prix des apprentis et lycéens de la région Paca, le texte nous revient, comme si la route première n’avait pas tout à fait permis d’atteindre le point de destination originellement pensé. Quelle(s) route(s) emprunter, alors ?
Le récit d’Au nord tes parents est à hauteur d’enfant. Depuis la banquette arrière, celui-ci observe le monde défiler et se pose en spectateur d’un monde qu’il perçoit depuis le panorama quasi-continu qu’offre l’interminable trajet en voiture. Il faut aller au nord, coûte que coûte, sans savoir ce que l’on fuit ou, tout au contraire, ce qu’on convoite au plus au loin, au plus en haut.
Rouler pour se trouver
« une seule fois je leur ai demandé où on allait
une seule fois ils m’ont répondu au nord
alors j’ai toujours su qu’ensuite quoiqu’on fasse on irait au nord aussi n’ai-je plus rien demandé »
C’est un trajet en voiture comme on en connaît tous. Tout nous paraît lent et long, si bien que seule la lumière changeante nous rappelle que le temps défile à la même vitesse que la route et qu’il ne s’agit pas d’une boucle continue qu’effectuent nos parents, à l’avant, calmes et attentifs à la musique choisie ou subie que diffuse la radio. C’est depuis la lucarne du pare-brise ou de la fenêtre passager que se dévoile un monde en partage où tout semble converger dans une direction. Alors on trace, puisqu’il le faut ; direction le nord, la seule direction à maintenir pour être certain de choisir quelque chose dans sa vie. À défaut de se faire face et d’apprendre quelque chose de soi dans le regard que porte un parent sur nous, c’est depuis leur dos – plus précisément leur nuque – que le monde défile et dessine quelque chose qui prendra l’apparence que nous voudrons bien lui donner car, après tout, les croyances magiques de l’enfance acceptent d’adhérer à n’importe quelle thèse, à condition qu’elle injecte le sens manquant à tout cet inconnu que l’on approche.
« d’eux ce que je connaissais le mieux c’était leur nuque »
« les astres et les anges accompagnaient mes nuits sur la banquette arrière et ils étaient comme mes parents ils ne parlaient jamais »
Croire à mots d’enfant le monde de ses parents
Lorsque la radio ne résonne pas dans la voiture, l’enfant cherche quelque raison à cette route interminable mais ses parents ne lui donneront jamais d’alibi plausible à ce qui s’apparente tantôt à une fuite, tantôt à un mode de vie délibérément choisi. Il finit par s’accoutumer à cette réalité et même, dans une moindre mesure, à la revendiquer comme sa plus grande liberté. Ontologiquement, il est puisqu’il est mû. Alors, en attendant d’arriver à la destination promise (celle-là même qui sera, il l’espère, la résolution et l’aboutissement de tous ses questionnements), il adhère aux croyances de l’enfance qui se fondent sur les mots de ses parents.
« c’était ça la légende de la banquette arrière c’était que tout mouvement se perdait dans l’espace c’était qu’un jour tout finissait »
C’est depuis ...