Chiennes de garde de Dahlia de la Cerda est un recueil de treize nouvelles faisant entendre les voix d’autant de femmes. Elles vivent, et racontent, des événements différents. En revanche, la raison pour laquelle elles vivent ces choses est la même pour toutes : en tant que femmes mexicaines, elles font face à la violence spécifique du féminicide. Philosophe de formation, Dahlia de la Cerda est autrice et militante. Activiste dans l’association Morras Help Morras, elle écrit par exemple sur la criminalité féminine. À l’instar de vases communicants, ces pratiques se nourrissent l’une de l’autre.

Féminicide, un concept mexicain

Un féminicide est un meurtre dû au genre de la femme. Cette notion a été théorisée au Mexique par l’anthropologue et militante Marcela Lagarde. Elle apporte à ce concept des éléments contextuels et y ajoute la notion d’impunité. Si le Mexique est un des pays où il y a le plus de féminicides au monde, il faut aussi signaler que 98% des meurtres restent impunis.

« J’ai du mal à prononcer les mots “homicide” et “assassinat”. Peut-être parce que c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Moi aussi je suis une meurtrière, coupable d’homicide, mais je sens qu’il y a crime et crime, et ce n’est pas la même chose de tuer un preneur d’otages, un violeur ou un empoisonneur qui vend du crack fabriqué avec de l’éphédrine que de tuer ta financée par jalousie.»

Le sentiment qu’un lien unit ces femmes traverse le livre. Certaines se connaissent, d’autres se croisent, d’autres encore sont isolées dans ce tissu de récits, pourtant, on a toujours l’impression qu’elles sont liées par un fil rouge invisible. D’une certaine manière c’est le cas, puisqu’elles font partie de la même histoire, celle de la « guerre mondiale contre les femmes. »

« Tu captes, mon pote ? »

Prendre le lecteur à partie, c’est aussi, d’une certaine façon, le rendre complice, ici complice de l’horreur

Que ce soit Regina, Diana ou « La Chiqui » ces femmes s’adressent aux lecteur.ices, qui sont intégré.es dans la narration de chacun des récits. Il est donc impossible d’échapper à l’horreur qui va se révéler à nous au fur et à mesure que l’on avance dans ces histoires.

« J’ai dix-sept ans, tu crois vraiment que je mérite ce qui m’est arrivé ? (…) Non, frérot. (..) On s’est perdus dans le désert. Il a donné un énorme coup de frein. Il a ouvert la porte et quatre autres enfoirés sont montés. Tu veux vraiment que je te raconte ? »

Tic de langage, simple expression ou façon de parler, il convient tout de même de relever le fait que les adresses au lecteur, je dis bien au lecteur, sont en effet la plupart du temps masculines. Prendre le lecteur à partie, c’est aussi, d’une certaine façon, le rendre complice, ici complice de l’horreur.

« Ouf »

Dans « Persil et Cola »