L’ex-chargé de plaidoyer de l’ONG Greenpeace et plume incontournable du média anti-capitaliste Frustration, livre un portrait peu reluisant de l’écologie institutionnelle en France où chacun en prend pour son grade. Et si l’écologie était condamnée à l’échec à cause de ses propres représentants : la classe bourgeoise ? 

Clément Sénéchal a travaillé 8 ans au sein de l’ONG. Une expérience coûteuse qui lui permet aujourd’hui d’en dénoncer les rouages. Armée des meilleures intentions (a priori), l’ONG s’est toujours inscrite dans une « écologie du spectacle » ponctuée de « happening » à l’affût de la meilleure « photo opp » (comprenez : « opportunité photographique »). Concomitante au rapport Meadows en 72 sur les limites à la croissance dans un monde fini, la naissance des ONG stars comme Greenpeace et WWF a troqué l’écologie politique pour une écologie du spectacle. En se passant d’une lecture sociale des événements, ces ONG prennent en charge superficiellement les enjeux écologiques. Les militants GP se positionnent dans la meilleure mise en scène dramatique, mais après le flash, il n’y a plus personne : « Ses membres passent un temps infini à se filmer dans leur quotidien héroïque, où leurs statuts sociaux de privilégiés se trouvent gommés par l’austérité ascétique qui imprègne le bord du petit bateau de pêche livré aux grandes convulsions de l’océan. » En devenant militant pour ces ONG, on s’achète un sésame d’immunité morale. 

Même Sea Shepherd, fondée par l’adulé Paul Watson – après qu’il a lui-même quitté GP trouvant que l’ONG n’était pas assez radicale (*), ne saurait s’émanciper d’une écologie sectorielle visant à sauver quelques espèces, en l’occurrence les baleines. Face à l’ampleur du réchauffement climatique, cette démarche reste insuffisante. 

La médiatisation de Greenpeace la restreint dans un discours sensationnaliste qui sacralise la nature et condamne l’écologie à devenir moralisatrice en se présentant comme le « camp du bien ». Pour le sociologue, ce n’est rien d’autre qu’un « environnementalisme œcuménique, compassionnel et moralisant, surpassant la conflictualité de classes dans un universalisme abstrait largement occidentalo-centré. »

Ce que les ONG ont de mieux à offrir, ce sont leur expertise (et c’est déjà pas mal). Elles décident de capitaliser sur ce savoir-faire. Le fonctionnement est simple : on dénonce les actes d’une entreprise puis on lui vend une expertise afin qu’elle s’améliore en échange de quoi elle bénéficiera d’un label anoblissant. FSC (forest stewardship council) pour Greenpeace et MSC (Marine Stewardship council) pour WWF. Malheureusement et comme le dénonce Clément Sénéchal, c’est joli sur le papier mais peu édifiant sur les résultats, ce pourquoi les ONG ont d’ailleurs fini par abandonner ces labels.

Une écologie dépolitisée qui se vend à tous

L’écologie politique a longtemps pris le parti de ne justement pas prendre parti. Ni de droite, ni de gauche, résolument verte et volontairement transpartisane, elle a fini par être impuissante. Les ONG ont participé à déresponsabiliser l’État sur les enjeux climatiques tout en responsabilisant les individus à coups d’éco-gestes. En tissant des alliances avec le pouvoir, elles se sont érigées en précieux tre...