Danse avec tes chaînes nous plonge au cœur d’un épisode historique méconnu «Enfants de la Creuse», ces jeunes déplacés de La Réunion vers la métropole pour repeupler des zones rurales. Loin de l’eldorado qu’ils espéraient, ils se retrouvent souvent exploités comme main d’œuvre gratuite et maltraités par leurs familles d’accueil. À travers les trajectoires de Marie-Thérèse et Joseph, l’auteure interroge les notions de déracinement, de mémoire et de reconstruction. L’œuvre dévoile, au fil des pages, les différentes strates du passé et du présent de ces enfants, désormais adultes, confrontés à une réalité où la violence et l’espoir se côtoient sans cesse.

Le thème central de Danse avec tes chaînes repose sur le déracinement, cette séparation forcée avec la terre natale, mais aussi sur les promesses d’un avenir plus lumineux, qui s’avèrera être une illusion déchue. La narratrice montre, à travers sa propre histoire, que l’attente d’un avenir meilleur devient une échappatoire, une bouée de sauvetage dans un océan de souffrance : « Moi aussi, je désirais être pressée. Moi aussi j’espérais être attendue quelque part. Et je l’étais désormais: la métropole me tendait les bras, je n’avais plus qu’à faire mes valises et quitter l’île. »
Quitter La Réunion représente pour ces enfants la promesse d’un avenir meilleur. Lors d’un dernier échange avec Monmon, leur mère dont l’éloignement pèsera tout au long de l’ouvrage, cette question : « Michel, tu ne vas tout de même pas prendre ce ballon crevé avec toi ? ». Ce ballon crevé symbolise cette part de leur passé qui les lie encore à leur terre natale. La question du choix entre ce qu’on emporte et ce qui aurait dû être pris émerge ici comme un conflit intérieur permanent.
La fuite bercée d’illusions
Les enfants arrivent en métropole avec l’espoir d’une vie meilleure, mais ce « tragique optimisme » qui leur permet de tenir est rapidement déçu par la dureté de la réalité. Si Marie tente de rassurer son frère : « Regarde Joseph, c’est là qu’on va. Tu vas voir, ça va être génial. », cette promesse, à répétition, se transforme en déni de la réalité. Les enfants, pleins d’espoir et d’illusions, découvrent rapidement que la métropole n’est pas aussi reluisante qu’ils avaient imaginée. Leurs rêves se heurtent à une réalité crue, faite de pauvreté, de maltraitance et d’exploitation.
La force du lien filial qui unit Marie et Joseph est l’une des rares notes d’espoir de l’ouvrage mais également ce qui leur permet d’affronter cette dure réalité. S’ils seront l’un pour l’autre de vrais alliés, une question essentielle émerge : celle de l’abandon des proches. «J’en voulais à Dieu, et à ma mère. L’un n’allait pas sans l’autre, à mes yeux, ils symbolisaient la même chose : la défection parentale. » La narratrice se confronte à cette déchirure intérieure, ce sentiment d’abandon profond, qu’elle associe à la défaillance de ceux qui devaient la protéger. «Je souffrais de cet abandon du destin.» Ces paroles font écho à un autre moment clé du roman : «Les insultes paraissent toujours plus blessantes lorsqu’elles vous sont murmurées.» Cette souffrance liée à l’abandon est omniprésente, et l’alternance de narration entre Marie enfant et Marie mère souligne la douleur du lien avec la sienne trop vite brisé. Elle tente de réparer une relation qu’elle n’a jamais vraiment connue et qui, dans sa maturité, devient une quête identitaire.
“Danse avec tes chaînes propose une réflexion poignante, celle de la reconstruction possible, malgré tout.”
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