Après ça est un roman dans lequel les certitudes s’effondrent derrière les ombres de la perte. Eliot Ruffel, l’auteur, y tisse une ode à la mémoire fissurée qui court vers la vie en étant pourtant prisonnière du passé. Le monde de Lou, hanté par la perte de Max ne parvient pas à se reconstruire, car il dérive, vacille, incapable de s’ancrer dans un quotidien qui a perdu tout son sens. Le bruissement de l’intrigue est alors incessant, car chaque silence est le résonnement d’une absence où les fantômes refusent de s’éclipser.

Nous suivons donc l’histoire de Lou, un homme qui vit avec l’absence de son ami Max, disparu trop tôt. De fait, Lou est victime d’un enfermement dans la douleur et le souvenir et navigue dans un quotidien figé, d’autant plus que les objets et les lieux sont contre lui, lui rappelant constamment ce qui a été perdu. En effet, entre l’ombre de Max qui le hante et un présent qui n’avance plus, Lou reste suspendu, incapable de se détacher du passé. Le roman jongle donc entre l’existence du protagoniste qui continue malgré tout et une confrontation constante avec ce qui ne reviendra jamais – une existence, en somme, figée à quelque moment du passé. Le monde de Lou est alors, dès le début, peuplé de vestiges, d’objets devenus symboles d’une relation révolue. Entre ces souvenirs matériels, le maillot floqué « MAX » devient le centre gravitationnel autour duquel tout s’articule, étant donné qu’il est tout ce qu’il lui reste de son ami, tout ce qui relie Lou à une époque où la présence de Max remplissait l’espace de leur quotidien. Le maillot floqué PSG, « mais surtout floqué MAX », qu’il lui avait offert pour son dernier anniversaire, devient une relique imprégnée de l’âme de son ami disparu. Lou ne peut se résoudre à s’en séparer, car cet objet incarne le souvenir physique de Max, une manière de refuser la disparition. Ainsi, à travers ces objets, Lou tente de maintenir intact un lien qui s’effrite inexorablement sous le poids du temps et de l’absence.
Un temps suspendu : le deuil paralytique
Le temps, dans ce roman, ne coule pas. Il stagne, se répète. Car la vie de Lou n’a plus de dynamique, plus de projet : il est enfermé dans un présent perpétuel où le passé revient sans cesse, comme une vague inexorable. Alors, l’immobilité du narrateur se heurte au mouvement du monde, mais rien ne change pour lui car, en toile de fond, bien que le vent souffle, tout reste figé :
« Le vent soufflait fort ce jour-là, comme s’il voulait tout emporter. Mais rien ne partait, tout restait là, comme une vieille douleur incrustée dans le béton. »
Cette description du vent, impuissant à disperser la douleur, symbolise la stagnation de Lou dans son deuil, puisque le monde extérieur continue de tourner, mais Lou est figé, prisonnier de son passé. Même le vent, qui pourrait être une force libératrice, ne parvient pas à le soulager. Ici, le poids du deuil est immuable, encrouté dans sa mémoire, insurmontable.
La mer comme métaphore de l’absence : entre apaisement et menace
La mer, omniprésente dans Après ça, incarne à la fois le réconfort et le danger : Max y voyait une forme de tranquillité, une échappatoire aux tourments de la vie. Elle est alors son refuge, lieu d’apaisement face au tumulte de l’existence. Pour Lou, en revanche, elle est le miroir de ses tourments, une force qui grignote tout sur son passage, une menace qui le submerge peu à peu : le personnage y voit une force destructrice, capable d’emporter avec elle les der...