Film de guerre centré sur un bataillon de soldates kurdes, Les Filles du soleil relate la survie des Yézidies, communauté opprimée par Daech depuis l’offensive de 2014. Si l’Occident a su, grâce à ses envoyés spéciaux, que 7000 femmes et enfants ont été faits prisonniers, Eva Husson va au-delà de ce chiffre déshumanisé en prenant le parti de l’émotion. L’usage veut que chaque Festival de Cannes ait sa « claque ». Les Filles du soleil pourrait bien être celle de la 71e édition.
En posant sa caméra dans les rangs d’une armée de fortune, Eva Husson traite un sujet choc habituellement réservé aux JT. Usant des ressorts de la fiction, elle introduit le contexte via une voix-off que les puristes jugeront « grand public ». Un reproche légitime au vu des facilités de mise en scène auxquelles cède la cinéaste. En cause : l’actrice principale, Golshifteh Farahani, magnifiée à chaque plan, une musique très présente et un rebondissement final qui vient briser la crédibilité d’un récit pourtant solide.
L’angle de l’authenticité
Exception faite d’effets dramatiques parfois exagérés, le film s’articule autour d’une volonté manifeste d’authenticité. Lors de la première cannoise, un journaliste hispanophone aurait crié que le film était « une honte pour les Kurdes », sans que ses propos soient véritablement compréhensibles. Si le film divise une frange de la presse, ce sont ses qualités artistiques qui sont discutées. La reconstitution sur laquelle s’appuie la réalisatrice du sulfureux Bang Gang vient des témoignages qu’elle a elle-même recueillis sur le front du Kurdistan et du travail préparatoire mené auprès du reporter de guerre Xavier Muntz. Calqué sur ces journalistes de l’impossible dont Muntz fait partie, le personnage qu’incarne Isabelle Bercot offre un regard extérieur qui fait le lien entre les héroïnes qu’on découvre. « La question du point de vue m’obsède », reconnaît Husson.
Un prix d’interprétation pour Golshifteh Farahani ?
Par allusions, les portraits de ces femmes se dessinent à travers des flash-backs judicieux mais redondants. Loin de l’image guerrière renvoyée les filles du soleil en uniformes, le spectateur plonge alors dans les prémices de la tragédie qui les a conduite à prendre les armes. Aux manettes de sa seconde réalisation, Eva Husson prouve qu’elle sait donner de l’intensité aux scènes-clé, tout en ménageant un suspense constant. Quand Golshifteh Farahani fait son entrée, on comprend que son personnage a l’envergure suffisante pour tenir toute l’intrigue.
En dépit d’une mise en avant parfois poussive, la camarade Bahar est une héroïne à laquelle on s’identifie. Pari gagnant pour Eva Husson et son actrice franco-iranienne, qui a des chances de séduire le Jury au point de se positionner au palmarès.
Les Filles du soleil, d’Eva Husson, avec Golshifteh Farahani et Emmanuelle Bercot. Sortie le 21 novembre.
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