De la dernière saison d’Emily in Paris au cinéma de Jacques Audiard, du Paris Musée du XXIᵉ siècle de Thomas Clerc à L’Histoire de Souleymane de Boris Lojkine, les représentations de Paris se renouvellent. Alors, comment écrit-on, comment filme-t-on Paris aujourd’hui ?

La ville lumière charrie avec elle un ensemble d’images d’Épinal héritées de l’histoire littéraire. Mais, les représentations contemporaines d’un Paris romantique, véhiculées par exemple par la série au succès mondial Emily in Paris, ne contribuent-elles pas à dépolitiser nos représentations d’une ville traversée par des mutations sociales profondes ? 

D’Emily in Paris au cinéma de Jacques Audiard : la dépolitisation de Paris

La dernière saison de la série créée par Darren Star, diffusée à partir du 12 septembre dernier, nous présente ainsi une vision purement fantasmatique de la ville de Paris, figée dans une esthétique de carte postale, taillée sur mesure pour Instagram. Dans le Paris d’Emily, la pauvreté ne mérite tout simplement pas d’exister.

D’Olympiades à Emilia Perez, le cinéma de Jacques Audiard tombe dans ce même écueil de l’idéalisation. Le noir et blanc léché des Olympiades sublime ainsi les peaux et les visages, mais transforme les arrière plans en décors interchangeables. Le 13e arrondissement devient pour le réalisateur un simple prétexte pour des récits désincarnés. Jacques Audiard capture une certaine idée de Paris, cosmopolite et mouvante, mais échoue à l’ancrer dans un contexte économique, politique, et social. 

De Thomas Clerc à L’Histoire de Souleymane  : plonger dans la violence et la complexité de Paris

Alors, comment échapper à cette vision idéalisée de Paris ? En plongeant dans sa complexité, en documentant son extraordinaire hétérogénéité. En multipliant les angles d’attaque, les approches, les points de vue. Dans Paris, musée du XXIè siècle, paru en septembre 2024, Thomas Clerc décrit les strates du XVIIIeme arrondissement, rend compte de la conformation des rues, de l’hétérogénéité du bâti, et de la diversité des habitants. Son texte accumule les analyses architecturales et sociologiques, et nous ouvre le regard sur la complexité politique et sociale de la ville : 

Dans un autre registre, Charles Dantzig, dans son Paris dans tous ses siècles, publié en janvier 2024, déchire également l’esthétique de carte postale de Paris, en lui rendant son épaisseur historique. En refusant l’approche chronologique, en mêlant références savantes et populaires, et en proposant une narration du réel, l’écrivain nous fait entrer dans l’intériorité de la ville et dans le quotidien de ses habitants :

Mais la tentative la plus intéressante de restituer la contemporanéité de Paris se trouve dans le film L’histoire de Souleymane, paru le 12 octobre dernier. Le réalisateur Boris Lojkine filme un livreur sans-papiers dans un Paris hostile et glacial, peuplé d’habitants pressés. L’Histoire de Souleymane est un film bouleversant qui nous faire sentir dans notre chair la violence sociale qui irrigue aujourd’hui Paris, cette ville sillonnée par des livreurs de repas au regard vide, qui roulent de jour comme de nuit pour gagner leur vie, et tenter de survivre. 

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Et si vous souhaitez déambuler à travers les librairies Parisiennes, nous vous proposons de terminer la lecture de cette enquête par notre entretien avec Alexis Margowski, l’auteur de Paris est un livre, un ouvrage qui témoigne des liens indéfectibles entre Paris et le monde des livres.