Avec son dernier roman au titre éloquent, Le monde est fatigué, paru aux éditions Finitude, Joseph Incardona fait le pari de l’originalité pour saisir au plus près les paradoxes contemporains. Lauréat du prix des Deux Magots, son livre, aussi désenchanté que poétique, s’impose parmi les titres marquants de cette dernière rentrée.

Depuis le corps ravagé

Une jeune femme, un accident, et la vie qui bascule, mais Joseph Incardona ne le raconte pas dans cet ordre-là. Ce corps ravagé est à la fois déclencheur et moteur de l’intrigue. Il est d’abord question d’un destin fracassé, d’un corps remodelé, d’une profession à la croisée de la poésie et du capitalisme, celle d’être sirène, et d’une fureur non pas de vivre mais de mourir.

Être sirène signifie ici se donner en spectacle, glisser sous l’eau pour des événements privés ou publics, vendre son souffle comme une marchandise. Le roman en tire un regard acéré sur notre époque saturée d’images, fascinée par la lumière et ses plus vulgaires artifices. Mais sous les paillettes, quelque chose saigne encore. Que reste-t-il d’une femme qui transforme sa respiration en performance, son corps en mirage et sa douleur en décor ? Dans cette fable contemporaine, le lecteur la suit dans sa quête et sa dérive.

Toute la délicatesse et la force du texte tiennent dans son intimité crue. Comment habiter un corps recomposé de prothèses ? Comment continuer à séduire ? À vibrer ? À croire aux possibles ? Ses doutes frappent et créent un choc, exposant l’impasse de l’existence quand le ...