Les derniers jours du Parti socialiste est le septième roman d’Aurélien Bellanger, qui marque les noces d’étain de l’écrivain avec une littérature qu’il pratique comme la rencontre, sur une table de dissection, des dynamiques de la société française et de ce qu’il peut encore rester des fresques épiques et mythologiques à la manière de Balzac ou même de Zola. Dans le roman, il explore la déliquescence du Parti socialiste français et d’une certaine gauche à travers le prisme de la vie de ses protagonistes, prête-noms et figures de papier, de personnes qui ont animé, en public ou en secret, avant d’en causer le dernier souffle, la vie politico-médiatique française, et notamment à gauche.
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Tout commence par une fin, celle du PS autrefois puissant et qui se retrouve en proie à des luttes internes et des trahisons qui vont conduire à l’ultime des outrages lorsque « [s]on dernier dirigeant a été recruté par le Rassemblement national pour être sa tête de liste aux européennes de 2024 ». Avec Les derniers jours du Parti socialiste, Bellanger nous plonge dans les coulisses des manigances politiques, des stratégies électorales et des désillusions des membres du parti, tout en brossant un tableau critique de la société française contemporaine sur près de trois décennies.
Entre logorrhée politique et énoncés performatifs
L’intrigue du roman se déroule dans un contexte politique tumultueux marqué par le récent attentat contre le siège de Charlie Hebdo évoqué dès les premières pages et qui inaugure ce que Bellanger appelle le Mouvement du 9 décembre, en référence à la date de promulgation de la loi 1905 de séparation de l’Église et de l’État. Bellanger désigne de la sorte le Printemps républicain, ce mouvement proche du PS prônant une défense universaliste de la laïcité, causant des dérives réactionnaires alimentées par un récit islamophobe, voire xénophobe, et qui vont précipiter le PS dans une véritable perte d’identité à l’origine de son effacement. Il raconte ainsi comment le personnage de Grémont, professeur à Sciences Po’ Toulouse, devient idéologue du PS et fait de son bureau rue Solférino la caisse de résonance des théories qui vont finir par fracturer un Parti socialiste errant toujours plus vers un libéralisme sans limites et abandonnant peu à peu, dans sa partition, le peuple, ses préoccupations, ses aspirations et ses revendications. Abandonnant la forme de complaisance un tantinet fascinée pour certaines figures plutôt conservatrices comme a pu le lui reprocher la critique à l’occasion de son roman Le grand Paris autour du mandat de Nicolas Sarkozy et de ses à-côtés, Bellanger se place ici du côté du parti de Léon Blum, dont le fantôme semble planer sur le roman, condamnant la trajectoire du PS qui y est décrite.
L’écriture incisive et l’ironie jouissive d’Aurélien Bellanger, sous laquelle percent peut-être finalement les convictions d’un homme déçu par le Parti socialiste et par ses fantoches, témoigne de son sens de la description où il rend compte des rituels qui structurent les mondes politique et médiatique, toujours plus poreux l’un à l’autre et où les paroles des politiciens, des éditorialistes, des théoriciens et des journalistes, des philosophes et des chroniqueurs de talk-shows à la française se retrouvent finalement traitées de la même manière, saturant l’espace médiatique de déclarations qui se veulent performatives où dire reviendrait directement à faire et à agir. Ainsi, les dialogues cohabitent avec des développements plus longs dans des lettres, des articles ou des notes, en dépit parfois d’une véritable intrigue, au sens romanesque traditionnel du terme. « Former des polémiques, les alimenter, utiliser tout ce qu’on pouvait pour les structurer, tribunes et faits divers, alimenter tout autour de la froide politique politicienne le grand feu des passions éternelles – ...