Dans un petit village du sud-est de la France, deux couples de vignerons tentent de maintenir leur exploitation malgré les caprices du temps et les difficultés financières. Pour son deuxième roman, Seules les vignes, Lolita Sene tente de rendre hommage à son métier de paysan vigneron en nous racontant l’âpreté de la vie agricole et la beauté des coteaux. Mais ce qui s’annonce comme une ode à la vigne se révèle être une longue complainte, dont ressort, non sans surprise, un désamour du métier.

Lolita Sene nous livre une description fidèle et vivante de son métier. Tout au long du texte, elle parvient à nous faire ressentir l’angoisse et l’épuisement de ses personnages viticulteurs, Arnaud, Nathalie, et Le Jeune, allégorie de tous les jeunes paysans, enthousiastes, mais déjà accablés. Arnaud redoute la pluie, l’orage et la grêle. Il passe son temps à humer l’air et à décrypter le moindre froissement des feuilles. Nathalie, sa compagne, s’inquiète de l’acidité du raisin, qu’elle consigne chaque jour dans un carnet, et prie pour que la fermentation réussisse. Le Jeune doute de ses assemblages et craint de produire un mauvais millésime.
Ces détails ont toute leur importance. Une récolte peut être balayée d’un revers de main par un épisode cévenol ou le mildiou. L’extrême dépendance aux conditions météorologiques donne d’ailleurs de très beaux passages, où les effets de rythme racontent autant l’instabilité du climat méditerranéen que le quotidien des personnages : « Pourtant, quelques heures plus tard, le ciel vire au céruléen, une mer sans nuages, le soleil chauffe les feuilles, aspire les gouttelettes, assèche la brume. Plus tard encore, la grêle tombe en trombe. Plus tard encore, il pleut. »
Les pages consacrées aux gestes du métier sont parcourues par la même recherche de rythme. À plusieurs reprises, Lolita Sene dresse des listes d’infinitifs pour condenser en quelques lignes tout le travail d’une journée. L’effet est réussi, on ressent la pression, l’enchaînement des corvées et l’accumulation des tâches qui n’attendront pas le lendemain. Il est parfois poétique, comme cette longue liste de choses à faire qui se conclut par « Contempler le ciel au crépuscule, ses liserés orange et rose contre les nuages. Faire la sieste, faire la fête. Dormir ».
L’émotion poétique est malgré tout assez rare. Dans la description des gestes et des grands rituels du métier, dominent principalement l’agacement et l’usure des personnages. Nathalie ne supporte plus d’accueillir chaque saison les vendangeurs dont l’arrivée est décrite dans les termes d’un « envahissement » et d’une « propagation ». Le Jeune déteste tous les à-côtés du métier, les salons et les rencontres avec les sommeliers et les journalistes. Il devient excessivement aigri et se reclut dans la position de l’homme incompris.
On ressent la pression, l’enchaînement des corvées et l’accumulation des tâches qui n’attendront pas le lendemain.
À force d’insister sur la dureté du métier, ce qui passait pour une recherche de vraisemblance se transforme progressivement en une longue complainte. Les vignes, pourtant annoncées comme le sujet principal du roman, se trouvent reléguées au second plan.
Seules les vignes manquent…
Il n’aurait dû être question que d’elles, de ces vignes très joliment décrites, avec leurs « billes noires juteuses et pleines » et leurs pieds « généreux, éclatants, robustes », mais elles peinent à exister comme un personnage à part entière. Preuve en est la nécessité qu’a éprouvée l’autrice de dédier le dernier chapitre, « Hiver », à la vigne, en la faisant s’exprimer à la première personne. Dans ce court chapitre – une dizaine de pages – la plant...