De retour devant la caméra après s’être cantonné aux coulisses de la réalisation ces dernières années, Xavier Dolan tient l’un des rôles-titres de Matthias & Maxime en incarnant Max, trentenaire en quête de repères. Le rôle de Matthias revient à Gabriel D’Almeida Freitas, issu de la scène humoristique québécoise, comme la majorité du casting. Pour autant, Matthias & Maxime n’est pas une comédie. S’inscrivant dans le registre dramatique cher à Dolan, ce huitième long métrage offre une nouvelle déclinaison de l’univers personnel du « petit prodige », comme la presse adore le surnommer. Toutefois, ce portrait n’est pas aussi flamboyant que ceux auxquels il a pu nous habituer.
Chez Xavier Dolan, les dialogues vifs et les ruptures de ton entraînent le spectateur tantôt vers la drôlerie, tantôt vers la mélancolie. Jouant les équilibristes sur cette ligne ténue, Dolan a coutume de réserver des séquences émotionnelles intenses à son public. Les fidèles qui le suivent depuis J’ai tué ma mère, retrouveront les ressorts dolaniens qui font la patte du Québécois et qui avaient déjà séduit la Quinzaine des Réalisateurs en 2009. Dix ans après avoir été découvert sur La Croisette, celui qui a aussi été membre du jury et qui est lauréat du Grand Prix, revient jouer dans la cour des grands.Œuvre générationnelle
Comme de coutume, de jeunes et moins jeunes personnages s’entrechoquent dans un ballet dissonant qui fascine. La génération dont le cinéaste nourrit son film est représentée par un groupe d’amis aux tempéraments différents mais unis par une nonchalance que magnifient les scènes de convivialité. On y fume, on y boit et, surtout, on s’envoie des répliques ponctuées de « christ » qui font tout le charme du cinéma canadien.
D’un point de vue formel, la maîtrise des codes cinématographiques ne fait aucun doute, les choix de cadrage sont pertinents et la musique est savamment employée. Saluons à ce propos l’air de piano, qui donne une jolie profondeur aux aléas que vit le protagoniste. Toutefois, force est de constater que cette nouvelle plongée dans l’univers d’un jeune homme tourmenté par ses désirs, ne convainc qu’à moitié. L’entourage déstructuré qui entoure Maxime et qui entrave son affirmation individuelle ne permet pas à cet outsider d’exister comme il l’aurait fallu. Perdu dans la nébuleuse d’une galerie de personnages sans grande envergure, Maxime émeut seulement en surface.
Portrait en miroir
Se déroulant dans le Montréal natal de Xavier Dolan, Matthias & Maxime est construit autour de l’ambivalence des amitiés au long cours. Reposant sur une dualité archétypale masculine, ce film est autant une histoire d’amour qu’une bromance. Outre la notion de réussite sociale, le duo s’oppose sur des aspects plus conflictuels. Portant la marque visible d’une tâche de vin sur le visage, Maxime est d’emblée victimisé, tandis que Matthias lutte quant à lui contre un mal intérieur, celui du trouble qui l’habite et avec lequel il ne parvient pas à être en accord. Dévoilant les failles et aspirations de son protagoniste à travers cet alter-ego ambivalent, Dolan fait de Maxime un être résolument attachant mais qui aurait mérité d’être davantage affirmé.
À la fois réalisateur, producteur, scénariste, monteur et interprète de son film, Dolan a mis beaucoup de lui-même dans ce nouveau projet. La casquette de l’homme-orchestre lui sied toujours, mais c’est sur le plan émotionnel que le bât blesse. On ne reconnaît pas le cinéaste de l’émotion qu’est Xavier Dolan, bien qu’il reste profondément sensible et humaniste dans son approche.
- Matthias & Maxime, de Xavier Dolan, avec Xavier Dolan et Gabriel D’Almeida Freitas. Sortie en salles inconnue.
Présenté au 72e Festival de Cannes en Compétition.