
Se satisfaire de plaisirs simples, trouver la beauté au quotidien. D’abord passé par Cannes pour recevoir le prix – mérité – de la meilleure interprétation masculine, Perfect Days, le nouveau film de Wim Wenders, arrive dans nos salles pour prêcher la bonne parole.

La nature observée
Résolument, Perfect Days nous invite à la contemplation. Les actions les plus simples sont érigées en rituel : nettoyer, gratter, passer la serpillère, s’immerger jusqu’au cou dans un bain public ou s’asseoir à la table d’un restaurant de passage. Ces gestes revêtent une importance singulière et semblent porter le sens du bonheur. Hirayama est satisfait de sa vie et promène son sourire aux quatre coins de la ville. Le rythme est tranquille. Respectant la quiétude de son personnage principal, le long-métrage se tient éloigné de toute intrigue et préfère composer ses quelques révélations sur le mode mineur, presque en sourdine. Tout est fait pour nous plonger dans le « ici et maintenant » propre à la méditation.
Perfect Days atteint parfois des instants de grâce, dans les rêveries du soir ou les quelques interactions humaines, mais laisse un goût d’édulcoré.
Mais en réalité, il est difficile de se joindre à la contemplation de la nature ou de la ville : elles n’occupent qu’une place très restreinte, quadrillées par la présence d’Hirayama. À l’exception de la nuit, où les visions et les motifs du jour reviennent en songe, le film ne s’octroie que trop rarement les mêmes moments de rêverie que son personnage principal. En résulte un film qui ne nous donne pas pleinement la possibilité d’appliquer ses préceptes mais confine le spectateur à son rôle traditionnel. Nous ne sourions pas aux feuilles, mais à celui de l’agent d’entretien qui les observe ; nous nous émouvons de son regard sur la nature, et non de la nature elle-même ; au fond, nous n’apprécions jamais directement mais toujours à travers lui. Si Hirayama trouve sa poésie dans l’existence, la poésie de Perfect Days vient du regard de l’homme.
And I’m feeling
Et nous voilà touchés. L’émotion naît d’abord d’un fin sourire, un peu flottant. Puis viennent les yeux et les gestes consciencieux, emplis d’une tendresse latente. Koji Yakusho (Hirayama) livre une partition presque sans paroles tout à fait remarquable. C’est cette sensibilité qui fait presque pardonner l’aspect simpliste du long-métrage. Perfect Days atteint parfois des instants de grâce, dans les rêveries du soir ou les quelques interactions humaines, mais laisse un goût d’édulcoré. La réalité est trop policée, trop propre, peut-être. Le réalisateur a nettoyé jusqu’à l’épurement, effaçant les aspérités et les taches, quitte à travestir le concret, à l’image des toilettes qu’Hirayama récure scrupuleusement mais qui ne sont jamais bien sales. Si Wim Wenders propose de transformer la boue en or, il n’ose jamais montrer la fange dans son alchimie poétique. Face à cela, que pouvons-nous ressentir ? Certains seront portés quand d’autres ne pourront s’empêcher, même sous la belle lumière qui passe au travers des feuilles, d’avoir un peu froid.
- Perfect Days, un film de Wim Wenders, avec Koji Yakusho, Tokio Emoto, Arisa Nakano, en salles le 29 novembre.