Ethel Cain, de son vrai nom Hayden Anhedönia, est une autrice compositrice américaine. Née et élevée en Floride, en 2022 elle publie après plusieurs EP, son premier album studio Preacher’s Daughter. Treize titres et 75 minutes d’un récit adolescent sur l’ultime tentative d’échapper à l’institution religieuse, un carcan qui semble nécroser toutes les sphères de son existence, entre traumatismes familiaux, abus et violence. 

Ethel Cain, l’alter ego de la chanteuse, dissèque les aspects les plus intimes de la marginalisation sociale et de la recherche d’appartenance nées du trouble de sa foi. Une échappatoire qui la conduit tragiquement à la perdition et à une mort atroce, le tout dans des sonorités folk et goth-pop. Voyage au cœur de l’histoire d’une vie, d’une mort, et bien plus. Un périple à la quête des esprits égarés, mais surtout, le récit tragique d’une âme condamnée par ces démons congénitaux vers lesquels elle converge fatalement, symbole de son éternelle damnation.

Un album narratif et miroir d’une foi hérétique

L’album met en scène une jeune adolescente fuyant son père prêtre ainsi que l’aliénation de la religion, Preacher’s Daughter raconte cette fuite, entre doutes, peurs, rencontres malheureuses, histoires d’amour, abus, meurtre, cannibalisme et expérience post mortem. L’artiste compositrice a indiqué que Preacher’s Daughter s’inscrivait comme le premier tome d’une trilogie d’albums, proposant les récits de trois générations de femmes. Les traumatismes transgénérationnels sont au cœur du propos de Cain, comme le montre le premier titre de l’album « Family Tree (Intro) ». Il s’ouvre sur un enregistrement déformé d’un prédicateur du Sud, préfigurant les thèmes religieux à venir. Les premières secondes mettent d’ores et déjà en lumière les entremêlements vicieux entre traumatismes religieux et familiaux, incarnés notamment par un géniteur diacre, celui à qui elle se réfère en tant que « Papa » ou en tant que « Père ».

Ouverture de l’album et fondement de son existence, sa famille est dépeinte par l’amertume de l’amour que la protagoniste ressent malgré elle. Les racines douloureuses mais inaltérables de l’arbre généalogique augurent le récit tragique qui va suivre : « Swinging by the neck from the family tree ».

À l’inverse, le deuxième morceau de l’album, « American Teenager » aux sonorités pop et légères menées par des synthés et guitares, apparaît comme la parfaite bande originale du coming of age américain. Toutefois, Cain dénonce dans ces paroles la dissemblance entre la figure fantasmée de l’adolescent américain et les véritables troubles et vides intérieurs qu’elle ressent en tant que fille des États-Unis. Les projecteurs des stades de football n’éteignent pas ses feux intérieurs et n’apaisent pas la frustration de n’avoir jamais eu une vraie chance de devenir cette « american teenager ».

Le point culminant de l’album, « Ptolemaea », est une chanson doom metal industrielle du nom du neuvième cercle de l’enfer dans l’Enfer de Dante qui abrite l’homonyme d’Ethel Cain. Les cris désespérés de l’adolescente se mêlent aux incantations déformées du prédicateur de l’intro dans une harmonie horrifiante et impressionnante. Ce morceau de six minutes est à l’image d’un album sinistre et cathartique. Après cet intermède horrifique, nous plongeons dans l’...